• Que ce soit sur des stèles, sur des monuments funéraires ou sur des inscriptions rupestres du Sahara, découvrons les écritures libyques antiques et modernes


    Lire la suite...

    Partager via Gmail

  • Sémiologie et symbolique de l’écriture tifinaghPour une sémiologie de l’écriture tifinagh,

     Par Atanane  Aït -oulahyane

    «  Dans le désert les mots ont des contours nets…

    Ils ont la consistance du vent et la saveur du sel…

    Dans le désert les mots sont nus et blancs…

    Eternels  jalons qui parsèment la piste des sables…

    Dans le désert les mots balisent le temps

    Ils sont plus précieux que la pluie du printemps

    Et  gardent le secret et la mémoire des siècles défunts… »

     (A.A)

    I – Immanence du tifinagh

     Chaque écriture est le reflet de l’âme de son peuple…

     Le tifinagh, cette graphie mystérieuse surgie du fond des siècles, aux formes géométriques parfaites et simples à la fois, lignes rectilignes, parfois brisées et anguleuses, des fois rondes, est à l’image de la mentalité permanente de l’Homme amazighe qui l’a conçue : comme elle il a l’esprit droit et rationnel, sans sinuosités ni fioritures, aussi sobre et dénué d’artifices qu’un cercle parfait.

     Cette graphie simple, - d’aucuns bornés diront encore « primitive » - représente par ses formes dépouillées non une absence d’imagination, d’un souci d’esthétique, mais la volonté de dire l’essence même de la pensée de celui qui l’utilise et le mouvement aux allures multiples de sa marche dans l’univers, son rapport à la vie, au temps et au monde immense qui l’englobe. C’est une graphie symbolique par le choix de ses formes et leur succession sur l’espace- support qui les manifeste, représentation claire, sans circonvolutions ni subterfuges d’un dialogue franc et continu avec l’ensemble des dimensions visibles et invisibles que l’homme côtoie : son rapport à l’espace qu’il arpente, sa place dans la communauté qui l’englobe, mais aussi une tentative d’entrer en communion- communication avec les forces mystérieuses de la Nature.

     L’usage de l’écriture tifinagh comprend toutes ces interactions entre le visible et l’invisible, un choix qui est animé par le désir d’exprimer l’essentiel de la pensée en toute transparence, en toutes circonstances, que le transcripteur communique avec ses semblables, qu’il transmette un message aux générations qui lui succèdent ou qu’il désire entrer en contact avec le monde invisible.

     Contrairement à ce que certains pensent l’écriture tifinagh n’est pas une graphie désuette, archaïque, inapte à s’intégrer dans un monde moderne caractérisé par le progrès, la fluidité, la nouveauté… Le tifinagh se place en dehors des modes; il ne s’adresse pas à une époque particulière et se soucie fort peu de l’esthétique et de son évolution. Il cherche à transcrire ce qui est permanent et stable, au-delà des changements superficiels  qui surviennent génération après génération. C’est une graphie qui exprime la nature permanente de l’Homme, quelques soient les caractéristiques de l’époque où il se trouve : hors âge, il se veut un élément naturel, stable et affranchi des aléas historiques, à l’image de la Nature et du Cosmos qui ne varient jamais.

     Ainsi le tifinagh représente la vision profonde de l’univers de l’Homme amazighe : stabilité, continuité et permanence. Qu’on ne recherche pas dans ces signes extrêmes l’expression d’une dimension artistique, intellectuelle ou sacrale, comme c’est le cas pour d’autres systèmes d’écriture : le tifinagh ne se préoccupe pas de la beauté ni du prestige qui connoteraient ce qu’on appelle «  la civilisation » ; il se veut humble et irréductible comme les éléments de la nature et c’est ce dépouillement même et cette austérité qui lui confèrent sa beauté et sa force.

     Ecriture d’un peuple forcément en mouvement, le tifinagh, par ses formes sobres et diverses exprime l’errance de l’Homme dans le monde, ainsi que l’aspect fragile et éphémère de son existence : destiné à être tracé sur du sable au gré des rencontres, comme un adjuvant à la parole humaine volatile et impuissante à exprimer l’indicible de l’âme et de la vie. Modestes signes gravés du bout des doigts et effacés aussitôt par le vent ou d’un revers de main aussi soudain que la mort, aussi impitoyable que le silence… Les signes se déroulent à même le sol, lors de ces haltes propices à la communication de l’être avec ses semblables, ou lors des moments de solitude, traces dérisoires d’un monologue intérieur, nécessitant toujours le repos, une mise au clair accompagnée du rituel du thé, une courte suspension de l’effort et de l’errance. C’est indéniablement une ascèse qui requiert un dépouillement de tout ce qui est superflu, de toute agitation : position assise à même le sol, bras tendu vers le sable, sans intermédiaire entre l’index- créateur qui trace les signes et la terre- support. La surface est illimitée, pourtant la longueur du message transcrit dépend de la mesure du bras, de l’espace réduit que le scribe peut atteindre.

     Pour limiter l’effort et garder la souplesse du geste, le meilleur moyen pour disposer les signes est de les placer selon un axe vertical, en colonnes, jusqu’à la saturation- occupation de l’étendue disponible : ne dire que l’essentiel ; exprimer l’idée, la matérialiser, en libérant la pensée et l’écriture de tout encombrement. Economie de la parole, de la surface, de tout effort superflu. Comme lors de ces marches à travers l’immensité du désert ou dans les méandres des montagnes, chaque pas, chaque souffle comptent, chaque mot est précieux.

     Tel est le tifinagh dans son esprit, aussi bref que la vie, dénué de toute vanité et de souci d’esthétique, à l’image de la voix fugitive qu’il tente de matérialiser, volatile comme elle lorsqu’il est tracé sur le sol, cette page perpétuelle et immense du monde, ou gravé sur le roc, lorsque le mot devient solide et permanent, comme la parole donnée.

     Mais cette voix humaine, aussi fugitive et impalpable soit elle, riche de sens et si précieuse, est aussi vulnérable que le souffle de l’Homme, aussi volatile que la vie : seul importe la marche dans l’existence et la possession de l’immense espace qui l’entoure ; toujours abolir le silence, occuper l’espace, maintenir la communication et poursuivre le mouvement, tout cela relève de la même démarche, de la même tentative toujours recommencée de vaincre l’éloignement ainsi que le silence qui sépare les êtres et les lieux.

     Dans le tifinagh le corps d la lettre et son âme, signifié (sens) et signifiant (forme) se confondent, comme si le symbole a préexisté au son qu’il reproduit, comme si la lettre fut créée en même temps que les actions qu’elle exprime: tel un sésame magique le symbole renvoie à différentes réalités qui entrent en interaction et contient en lui-même les codes essentiels de la vie : signifié et signifiant fusionnent, renvoient au même concept, en matérialisant un son, un mot, un état, qui ne sont que des jalons successifs dressés sur la piste, les bribes d’un message ininterrompu.

     Lettres- repères qui égrènent le périple du sens, elles en dessinent parfaitement les méandres, la direction, la mesure et les étapes ; elles fixent la voix instable et immatérielle et représentent le sentier, changeant et aléatoire : chaque graphème, chaque mot ne sont qu’une étape dans la longue quête du sens, des jalons successifs sur la piste à parcourir.

     Comme la voix qui n’a aucun support matériel ni de ligne directionnelle, hormis l’air qui la porte et l’efface aussitôt, l’écriture tifinagh est libre dans sa marche ; il remplit l’espace, la surface- support selon l’humeur du scribe, sans itinéraire préétabli, au gré de l’inspiration qui la fait naître au fur et à mesure : de gauche à droite, horizontalement et vice- versa, verticalement de bas en haut ou le contraire ou pourquoi pas de façon circulaire ou en forme de spirale, seul compte l’accomplissement du voyage, seul le sens de la quête donne la direction à suivre, trace la voie incertaine, d’un point de départ toujours reconnu jusqu’à l’arrivée, étape finale et aléatoire. Peu importe la trajectoire suivie par l’écriture- voyage, seul importe d’atteindre le but, de résoudre l’énigme.

     L’écriture, ainsi libérée de toute entrave directionnelle, de toute ligatures entre les lettres qui la composent, n’a pour d’autre finalité que de transcrire l’immatérialité et l’inconstance de la parole, souffle de vie, et de la reproduire humblement, en imitant la progression erratique de l’Homme dans un espace hostile et chaotique.

     La voix et l’écriture, les deux faces indispensables de toute communication élaborée, correspondent ainsi à ce besoin vital de communiquer également à travers l’espace, de joindre les lieux et les personnes, d’atteindre quelques soient les difficultés l’Autre, d’établir des contacts et des repères tangibles sur le sentier, afin de se sentir moins seul, moins vulnérable, se situer et se retrouver dans un espace- temps démesurés.

     Toutes les dimensions de la communication se rejoignent dans le tifinagh : la voie et la voix, le sens (idée) et le sens (trajectoire), le symbole (la lettre) et l’espace (le monde et le support de l’écriture) : écriture totale de la vie, le tifinagh englobe et exprime toutes les dimensions de l’être et son rapport à l’univers.

     Traces, marche, repères, surface, mouvement, chemin, sens… Telle est l’écriture tifinagh, talisman parfait pour pallier la fragilité intrinsèque de l’être face au cosmos, face aux dangers d’égarement dans un monde hostile, face à la perte du sens. Pas à pas, signe après signe, son après son, dans un mouvement continuel du corps et de l’esprit en parfaite harmonie, il s’agit d’arpenter l’inconnu, de poser des jalons sur la route de la parole, chaque graphème étant à lui seul un panneau indicateur, un repère palpable dans la trame de la communication.

     Si dans la culture amazighe l’espace est un ensemble de signes l’écriture tifinagh en est la quintessence. Qu’on n’y recherche pas l’expression d’une volonté esthétique, idéologique ou sacrale : c’est une graphie dénuée de toute pensée subversive ou fantasmatique : elle est à part, a- temporelle, a- civilisationnelle, ni d’Orient ni d’Occident, ni d’ascendances grecque ou phénicienne, elle est tout simplement l’émanation de la nature universelle même qu’elle exprime ; c’est une écriture totale, ni primitive ni sophistiquée, permanente et irréductible comme l’espace et le temps, à l’identique de l’âme amazighe , indissoluble dans un système de pensée artificiel et dénaturé.

     L’écriture tifinagh en effet se veut dès l’origine en dehors des systèmes symboliques narcissiques, culturels ou idéologiques ; il s’adresse à l’Homme universel de toutes les époques, qu’il soit gravé par l’Homme préhistorique sur les parois granitiques ou utilisé par l’Homme de la civilisation cybernétique.

     Ecriture a- temporelle et universelle elle est aussi trans- culturelle car elle désire abolir les différences entre les êtres, entre les cultures, car la communication ne se limite pas seulement à la parole dite ou écrite, à une langue comprise par deux interlocuteurs appartenant à une même aire linguistique, une même culture : le signe tifinagh est un motif symbolique qui désire s’émanciper du langage humain, forcément réduit et entravé de codes ; dénué de toute arrière pensée idéologique il est multi- dimensionnel, universel, car au-delà du langage, justement.

     Ecriture égalitaire par excellence, le tifinagh ne comporte pas de majuscules ni de minuscules, ni de superpositions de lettres, de signes diacritiques ou de marquages superflus ; pas de position prédéterminée de la lettre non plus : le graphème tifinagh reste toujours semblable à lui-même, à l’identique de l’Homme amazighe qui l’a conçu : chaque lettre a sa valeur, son autonomie propre ; employé uniquement en script, les lettres détachées les unes des autres, l’écriture tifinagh exprime le caractère libre de l’Amazighe, son souci permanent de préserver son individualité par rapport à la communauté qui l’englobe. Mais cette individualité, aussi libre et suffisante à elle-même soit elle, ne prend sa signifiance complète qu’au sein de son groupe, au milieu des autres individus avec lesquels elle entre en symbiose, pour former une société solidaire et sensée. Le graphème isolé, sans ligatures, bien qu’il porte en lui-même son propre sens lorsqu’il est dissocié des autres, exprime la solitude inhérente de l’être face à la vie, face à la mort. Il ne délivre, lorsqu’il est seul, qu’une parcelle du Message, un bref aspect de la vie complexe et multiforme.

     Ecrire pour dire, sans babil du langage, sans écume de la pensée, sans la névrose de l’être… Ecrire pour survivre, sans entraves, pour marcher debout, sans attaches, déceler les mystères et déchiffrer le non dit de la parole, l’énigme de la pensée, décrypter les signes et communiquer l’essentiel, atteindre le but qui se dérobe toujours… Le tifinagh est tout cela, dépouillement, cheminement intérieur et dialogue parfait entre l’Homme et son environnement.

     Lignes droites comme une pensée claire, comme une vie sans problèmes, un chemin sans difficultés ni surprises ; lignes brisées comme les tournants soudains de la vie, la promesse trahie, la parole non tenue, les virages du sentier… Des ronds complets et parfaits, comme le cycle perpétuel des saisons, comme un parcours achevé, une communication aboutie ; des cercles inachevés, comme le voyage à finir, une vie inachevée, la rupture brusque d’un lien si cher…

     L’existence est une boucle  et le chemin une succession d’étapes, souvent un retour vers le point du départ : les lettres de l’écriture tifinagh sont tout cela et bien plus encore, elles reproduisent les caprices de la vie et du voyage, la multiplicité des sens et les aléas de l’existence…

     Certainement l’écriture est sacrée, comme la parole qu’elle véhicule, la pensée qu’elle manifeste, comme la terre sur laquelle elle prend forme ; mais aussi hiératique soit elle, d’une portée quasiment divine, elle n’a pas pour objectif d’écraser l’être humain ni de le tenir sous le joug de divinités hermétiques et tyranniques, peu soucieuses de son sort et de ses préoccupations existentielles…

     Elle entend simplement de l’accompagner pas à pas dans sa vie terrestre, quotidiennement, discrètement. Symbole ésotérique, à la fois clef d’un monde occulte mais aussi objet familier au même titre qu’un outil domestique, il la porte dans son bagage avec le couteau, l’outre d’eau et la natte, tel un viatique discret suspendu dans sa mémoire, qu’il saisit et emploie au gré de ses besoins, sans autre prétentions que de le rattacher au réel, de lui rendre aisées et supportables son existence… Car l’Homme amazighe, sans être rustre est rationnel, doué d’un esprit pratique, qui confère à l’objet usuel une dimension esthétique, voire ésotérique et inversement, il intègre le sacré (symbole, fétiches, gestes rituels…) dans ses actes de tous les jours.

     Tout se rejoint et se lie dans une logique d’efficacité, le familier et l’occulte, l’implicite et l’explicite imbriqués harmonieusement. L’écriture tifinagh procède de la même démarche, alliant de multiples fonctions, sacrée, esthétique et profane, mises à pied d’égalité, toujours au service de l’Homme : souci d’économie et de logique, point de place au gaspillage de l’effort ou de la parole, point de cloisons entre le spirituel et le matériel, pas de vernis superflu ni de prolifération de motifs, d’exagération de gestes, pas de profusion de la parole ni d’exubérance, l’idéal amazighe tout entier se polarise selon des lois strictes, d’une géométrie parfaite, qui ne laissent aucune place à l’insignifiant. Tout concourt au même but, même le langage oral et écrit, concentration et complémentarité de tous les moyens mis à la disposition de l’Homme pour aboutir à l’expression la plus sobre et la plus juste qui soit, au résultat le plus efficient.

    II- Symbolique du tifinagh :

     Dans la sagesse amazighe il y a toujours ce souci de convergence du matériel, palpable           (voyage, écriture, parole) et de l’immatériel (destinée, signe, sens caché). Le graphème tifinagh ( corps et esprit de la lettre ) concentre en lui cette dualité céleste et terrienne dans lesquelles évolue l’être humain : il renvoie à deux dimensions complémentaires, jamais opposées ni hiérarchisées, qui trouvent leur réalisation définitive ( le sens, l’atteinte du but, la résolution de l’énigme ), dans l’Homme.

     Chaque lettre contient une signification ésotérique qui renvoie au cheminement de l’être humain dans la vie et dans l’espace qu’il parcourt ; les femmes touaregs, détentrices de ce savoir millénaire, transmettent encore cette sagesse contenue dans ces symboles, et l’utilisent pour transcrire des messages généralement courts à fonction ludique, pour exercer l’intelligence des enfants et la sagacité des grands à résoudre des énigmes ; les amoureux l’emploient également pour conférer à leurs déclarations, leurs poèmes une portée mystique, que la parole ne peut exprimer seule.

     L’Aza, l’icône tifinagh par excellence, illustre très bien cette complémentarité, cette union totale, dirons- nous, entre la sphère céleste et la dimension terrestre, qui se rejoignent, en toute harmonie en l’Homme, qui en est le lien et le point de fusion, à l’exemple de cette pensée pascalienne  qui représente L’Homme comme le point de jonction entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. 

    Z : ( Z )  Symbole tifinagh fort, il est la représentation d’une humanité en marche, debout, luttant pour survivre ; c’est également l’Homme spirituel, tendu vers la sphère céleste et la portant à bout de bras ; homme terrien aussi, jambes en aplomb sur le sol qu’il arpente et qu’il féconde, la demi sphère inférieure étant une représentation de l’espace qui le porte.

      L’aza représente l’ambivalence de l’être : Homme debout, pieds posés sur terre, bras soutenant le ciel, l’être humain étant le point de liaison entre le monde d’en haut et le monde d’en bas, entre l’infiniment grand, l’Invisible, et le monde terrestre, concret et palpable : tête relevée, bras tendus pour recevoir l’offrande, pluie ou bénédiction, moisson ou révélation.

    Trois pieds qui assurent un  maintien parfait, la stabilité sur terre, et non pas un appendice sexuel proéminent comme certains n’osent l’avouer ; et pourquoi pas, malgré tout ? L’Homme fécondant la terre – matrice, le pied- soc de la charrue ; liaison entre deux mondes, actes de réception et de fécondation.

    Un autre concept est lié à la lettre Aza : celui de l’arbre debout, toujours vertical, enraciné dans sa terre, à l’image de l’            Amazighe, Homme forcément terrien, recevant sa subsistance du sol qui le porte ; branches tendues vers le ciel, offrant leurs fruits et recevant la pluie régénératrice.

    : ( a ) : Le point fondamental de la parole, l’élément initial de l’écriture et du langage, le son primordial, le point de départ de la quête du sens et du voyage.

    : ( b ) : Le couple formant l’unité parfaite; les deux lèvres unies produisant le son ; mais aussi rupture et malédiction, séparation..

    S : ( s  ) : Manifestation de la lumière irradiante du soleil, mais aussi présence centrale de l’homme dans l’univers ; il représente aussi la maison, la sécurité, l’équilibre et la stabilité.

    : ( d ) : Symbolise l’effort tendu vers le but à atteindre, l’ascension du sommet, la flèche directionnelle.

    : ( é ) : le pont de liaison entre deux étapes, entre deux êtres ; la jonction des âmes et des lieux.

    F : ( f ) : Le passage étroit, la traversée périlleuse d’une gorge, ou d’une étape difficile de la vie.

    G : ( g, comme grotte ) : Le va et vient entre deux lieux, départs et retours perpétuels, cycle répété des voyages.

    I : ( i ) :les virages du sentier, les cassures de la vie, la route sinueuse qui nécessite la vigilance et le courage.

    K : le nœud du parcours, le cul de sac, la difficulté rencontrée et contournée.

    L : ( l ) : les deux sentiers parallèles ; le choix à prendre, par opposition à la notion du destin. Renvoie également à Illa, le Dieu suprême des Imazighens, Celui qui est, à la sagesse et au libre arbitre : chaque homme est libre de choisir le parcours de son destin, par opposition à la fatalité et à la résignation.

    M : ( m ) : représente la sortie, l’issue toujours possible ; revoie également à la sagesse, à la puissance créatrice et fécondante de la parole.

    N : ( n ) : la route droite tracée, mais également le souffle divin, l’ascèse.

    R : ( r ) : le périple parfait, accompli sans difficultés, le retour vers le point du départ, mais aussi le cycle complet d’une vie. Renvoie également à la matrice terrestre, à la femme, refuge et sécurité.

    T : ( t ) : le croisement des chemins, la rencontre entre les hommes, mais aussi la jonction du spirituel ( axe vertical, créateur ) et du monde matériel ( axe horizontal, la création ). Renvoie à une divinité, Iette, déesse de la fécondité .

    Y : ( y ) : le zigzag,  les circonvolutions du chemin ardu ou les étapes difficiles de la vie.

    Ainsi, à travers cet exposé sommaire, nous avons tenté de décrypter une partie de la richesse toute symbolique de l’écriture tifinagh ; au-delà de son utilisation scripturaire, nous réalisons qu’elle véhicule également toute une vision du monde, un esprit de sagesse qui tend à réaliser l’harmonie nécessaire entre les différentes dimensions de l’univers, résoudre l’énigme de la vie, dans laquelle l’Homme tient malgré lui la place essentielle.
    Source: leschleuhs.com

    Partager via Gmail

  • L'alphabet amazighe a subi des modifications et des variations inévitables depuis son origine jusqu'à nos jours. Du libyque jusqu'au néo-tifinagh en passant par le tifinagh saharien et les tifinagh touarègues, nous retraçons ci-dessous les aspects les plus importants de chacune de ces étapes.

    Le Libyque

    • Il y a deux formes du libyque, l'oriental et l'occidental ;
    • La forme occidentale a été utilisée le long de la côte méditérrannéenne de la Kabylie jusqu'au Maroc et aux Îles Canaries. La forme orientale a été utilisée dans le Constantinois, en Aurès et en Tunisie ;
    • Seule la forme orientale a été déchiffrée grâce notamment à l'existence d'importantes inscriptions bilingues punico-libyques. Ce déchiffrement a permis de déterminer la valeur de 22 signes sur 24 ;
    • Selon Février (1964-65), la forme occidentale serait plus primitive, la forme orientale étant influencée par l'écriture punique ;
    • L'alphabet libyque est strictement consonantique
    • La gémination n'était pas notée ;
    • La forme occidentale comporte 13 lettres supplémentaires ;
    • Les inscriptions sont souvent des dédicaces ou epitaphes. La plupart sont brèves ;
    • Le sens de l'écriture n'est pas fixé (mais c'est plus souvent verticalement de bas en haut). Chaque ligne constitue un mot phonétique ou un sens complet ;
    • Une minorité de lettres permettaient de déterminer le début de la ligne. Ces lettres sont appelées lettres directrices ou signes directeurs ;
    • Une hypothèse a été avancée que certaines lettres seraient secondaires par rapport à d'autres.

    Le tifinagh saharien

    • Il est aussi appelé libyco-berbère ou touarègue ancien ;
    • Il contient des signes supplémentaires ;
    • Un trait vertical pour noter la voyelle finale /a/ ;
    • Il est utilisé pour transcrire le tourègue ancien mais ces inscriptions sont incomprises ;
    • L'âge des inscriptions les plus récentes est peut-être de quelques 200 ans ;
    • Les modalités du passage entre le libyque et le tifinagh saharien sont inconnues. Le tifinagh saharien était-il contemporain des formes libyques ? Doit-on le comaper au libyque accidental ou oriental ? A quelle période correspond l'utilisation de cet alphabet, avant l'arrivée des Arabes, juste après ou longtemps après ? Ces questions demeurent sans réponse pour l'instant.
    • La valeur des signes du tifinagh saharien nous est transmise par P. de Foucauld.

    Pour en savoir plus sur le tifinagh saharien, voir Théodore Monod - 1932. L'Adrar Ahnet pp. 135-139. et Maurice

    Reygasse - 1932. Contribution à l'étude des gravures rupestres et inscriptions tifinagh du Sahara central, Cinquantenaire Faculté Lettres Alger pp. 437-534 (cités dans Prasse 72)

    tableau 1 : cliquer sur le tableau pour agrandir et voir!

    Le tifinagh touarègue

    • Il existe au sein du tifinagh touarègue quelques divergences des valeurs des signes qui correspondent aux variations dialectales touarègues. Si d'une région à une autre, la forme et le nombre des signes peuvent changer, les textes restent en général mutuellement intelligibles car la plupart des différences graphiques suivent la logique des variations phonétiques dialectales.
    • L'innovation la plus frappante est la ligature à dernière consonnes /t/ ou à première consonne /n/ ;
    • Comme pour le saharien, le tifinagh touarègue dispose d'un signe /./ pour noter les voyelles finales appelées Tighratin (masc. Tighrit). Pour le Hoggar, le Ghat et Adrar, ce signe ne s'emlpoie que pour la voyelle /a/. Les voyelles /i/ et /u/ sont notées par les signes corresponadant aux /y/ et /w/. Les autres dialectes l'emploient pour toutes les voyelles finales et, selon P. de Foucauld, pour toutes les voyelles initiales sans destinction
    • Parmi les tribus maraboutiques de la région de Tombouctou, on a relevé l'emploi des diacritiques arabes pour noter les voyelles brèves ;
    • Usage : A part quelques rares utilisations pour la notation de textes longs, les tifinagh touarègues ont souvent été utilisés pour des inscriptions sur des objets (bijoux, armes, tapis, etc.), pour des déclarations amoureuses et pour des épitaphes. Toute transcription commence par la formule awa näk (c'est moi) + nom + innân (qui a dit).
    • Il semblerait qu'un homme sur trois et une femme sur deux l'écrivent sans hésitation. Depuis peu, les tifinagh sont utilisés comme support pédagogique pour la compagne contre l'analphabétisme.        
    • Les lettres sont épelées de différentes façons suivant les régions :
    • Dans le Ghat : /b/ : yab ; /d/ : yad ; etc.
    • Dans l'Ayer et chez les Iwelmaden : /b/ : ab ; /d/ : ad ; etc.
    • Dans le Sud : /b/ : abba ; /d/ : adda ; etc.
    • Il n'y a pas d'ordre pour énoncer les lettres de l'alphabet. Mais une formule mnémotechnique, citée par Foucauld (1920), contient toutes les lettres ou presque : awa näk, Fadîmata ult ughnis, aghebbir nnit ur itweddis, taggalt nnit märaw iyesân d sedîs : " C'est moi, Fadimata, fille d'Oughnis : sa hanche ne se touche pas, sa dot est de seize chevaux "   

    Les Néo-tifinagh

    Les néo-tifinagh désignent surtout le système d'écriture développé par l'Académie berbère (AB) sur la base des tifinagh touarègues à la fin des années 60 et largement diffusé au Maroc et en Algérie et surtout en Kabylie. Mais cette terminologie englobe aussi quelques autres systèmes d'écriture venus développer ou pour certains corriger les quelques imperfections du système de l'Académie Berbère. C'est le cas surtout de la proposition faite par S. Chaker (v. Tafsut. 1990 n° 14.) Les autres systèmes sont à quelques différences près identiques au système de l'AB (rapportez-vous au tableau 2. pour constater ces variations)

    Dans ce qui suit nous proposons une étude détaillée de ces différents alphabets, l'objectif est de mettre à votre disposition une vue globale de ces systèmes (grâce notamment à un tableau les récapitulant) et de souligner les possibilités de dégager un système standard utilisable pour tous les parlers amazighs.

    La renaissance de l'alphabet amazigh en Afrique du Nord est incontestablement due au travail énorme accompli par l'AB (Agraw Imazighen). Cette association formée par des jeunes militants amazighs (kabyles en grande partie) installés à Paris a largement diffusé l'alphabet tifinagh en Algérie et au Maroc. Depuis, l'engouement de la jeune génération pour cet héritage très valorisant n'a jamais cessé. Le point fort de l'initiative de l'AB est donc d'avoir fait renaître cet alphabet sur les terres qui l'ont vu naître il y a plus de 2500 ans [4] et de l'avoir largement diffusé ce qui a créé une sorte de standardisation ; le même système a été utilisé pour transcrire aussi bien le chleuh, le kabyle que le rifain. Mais ces avantages indélébiles ne doivent pas masquer les quelques imperfections que contient cette nouvelle version. En effet, comme l'a bien résumé S. Chaker (1994 - 33) : "…, il a manqué aux néo-tifinagh tout le travail de réflexion phonologique" En plus d'un manque d'une réelle base phonologique au travail de l'AB, un autre point mérite d'être souligné. L'AB, confronté aux variations au sein des tifinagh touarègues, au manque de deux voyelles et à la dominance des pointillés, a inventé certains signes qui n'ont aucune base historique (L'élaboration de ces signes est souvent faite en reliant les pointillés) L'AB a ainsi inventé les signes correspondant aux consonnes suivantes /dj/, /tc/, /k/, /R/, /q/, /x/, /w/, etc. Elle a abandonné les ligatures et a commencé à marquer la tension.

    L'aspect principal qui doit être respecté quant à l'adoption d'un système d'écriture est de refléter d'une manière simple le système phonologique d'une langue donnée. Par système phonologique, nous entendons l'ensemble des consonnes et voyelles d'une langue qui ont un statut pertinent pour distinguer entre deux formes. Autrement dit, un système d'écriture pour le français par exemple doit différencier entre les deux consonnes /p/ et /b/ puisque la substitution d'une des ces consonnes par l'autre changerait totalement le sens d'un mot : par ≠ bar. Par contre, cette même langue n'a pas besoin de deux signes pour distinguer entre le /r/ de "Très" qui est une uvulaire sourde et le /r/ de "grave" qui est sonore. L'alphabet n'est pas tenu de refléter cette différence et de surcharger l'inventaire alphabétique de la langue puisque cette différence est conditionnée par le contexte. Il ne s'agit donc pas de deux phonèmes mais plutôt de deux allophones d'un même phonème /R/. Ces réflexions d'ordre phonologique, entre autres, n'ont malheureusement pas été prises en considération par l'AB ce qui a créé un système alphabétique surchargé. Ainsi a-t-il noté les spirantes /t/, /d/, /k/ et /g/ et les affriquées /tch/ et /dj/ qui, pour un système phonologique commun à tous les parlers amazighs, n'ont pas lieu d'être. La spirantisation et l'affrication de certaines consonnes sont des variations régionales (rifain et kabyle, par exemple) souvent conditionnées par le contexte et qui n'ont qu'une pertinence très faible même au sein de ces parlers. Le système alphabétique amazigh peut donc s'en passer sans risque d'incompréhension.

    Comme nous l'avons précisé plus haut, la tradition alphabétique amazighe ne notait pas les voyelles. Elle notait secondairement la voyelle /a/ en fin d'énoncé. Les signes adoptés par les nouveaux systèmes notaient normalement les semi-voyelles /y/ et /w/. D'autres signes ont été inventés pour désigner ces mêmes semi-voyelles. Cette confusion reflète paradoxalement le caractère spécifique des vocoïdes berbères. En berbère, comme c'est le cas en chleuh, mis à part la voyelle /a/, les vocoïdes /I/ et /U/ sont réalisés comme des  voyelles /i/ et /u/ s'ils sont syllabiques et comme des semi-voyelles /y/ et /w/ s'ils n'occupent pas le noyau de la syllabe. Ainsi, le vocoïde /I/ est réalisé dans la forme suivante :             

                            /Ig°na/              >          [ig°na]                         Il a cousu

    comme une voyelle /i/. Mais il se réalise comme une semi-voyelle /y/ dans la même forme précédée d'une voyelle :

                            /ma Ig°na/        >          [ma yg°na]                   Qu'est-ce qu'il a cousu ?

    Mais doit-on pour autant ignorer ces deux différentes réalisations contextuelles dans le système graphique amazigh ? Allons-nous simplifier l'alphabet amazigh si nous optons pour les deux mêmes signes pour noter aussi bien les voyelles que les semi-voyelles correspondantes ? À l'évidence, la réponse est négative. D'autres considérations peuvent et doivent être prises en considération. Imaginons la forme suivante avec quatre vocoïdes adjacents " IIUId " (Il a ramené) où le premier et le troisième vocoïde se réalisent comme des semi-voyelles /y/ et /w/ respectivement et le deuxième et le quatrième comme la voyelle /i/. Il serait plus facile pour le lecteur de réaliser la bonne prononciation si nous notons les semi-voyelles avec des signes différents de ceux des voyelles et ainsi avoir la réalisation attestée : "yiwid". Cela rendrait le découpage moins laborieux. S. Chaker (1994 - 34) propose pour noter les voyelles et les semi-voyelles de jouer sur les variantes graphiques libyque/tifinagh. Cette solution nous semble parfaitement adéquate, elle a l'avantage de refléter une certaine ambiguïté inhérente aux vocoïdes berbères et de nous empêcher d'inventer des signes qui n'ont aucune assise historique.

    tableau 2 : cliquer sur le tableau pour agrandir et voir!

    Le schwa /e/ est une autre voyelle avec un statut très particulier. Est-ce que le schwa existe en berbère ? Pour répondre à cette question, il faudra au préalable définir ce que nous entendons par berbère. S'il s'agit de l'ensemble des parlers amazighs, la réponse dépendra alors du parler en question. Le schwa existe en kabyle et en rifain mais pas en chleuh [5]. Si par berbère, nous entendons l'inventaire phonologique commun à tous les parlers, la réponse est à l'évidence non. Aussi, si notre objectif est de dégager un système pan berbère, nous pouvons nous débarrasser de ce "lubrifiant phonétique" sans risque majeure. Le verbe "débarrasser" est employé à dessein. En effet, l'adoption du schwa poserait beaucoup plus de problèmes qu'elle apportera de solutions. D'abord, aucune tradition pré-néo-tifinagh n'a noté cette voyelle. Deuxièmement, le signe choisi part l'AB /÷/ désignait en libyque oriental et occidental les consonnes /R/ et /q/ (v. Tableau1.). S'ajoute à cela un autre handicap majeur. Le schwa, même au sein des parlers où il existe, n'a aucun statut phonologique et sa présence est très instable.

    Il y a bien évidemment d'autres aspects concernant la notation à base de tifinagh : l'emphase, l'assimilation, la labiovélarisation, l'état d'annexion. Mais ces aspects ne concernent pas uniquement le tifinagh. Ils doivent être traités quelle que soit la nature des caractères adoptés : arabes, latins ou amazighs. Nous reviendrons sur quelques uns de ces processus plus bas.

    Nos remarques sur la notation en néo-tifinagh font suite à d’autres propositions établies par des linguistes et des chercheurs et doivent servir comme base de réflexion pour dégager un alphabet standard qui devra être utilisé pour écrire dans tous les parlers amazighs. Nous avons déjà soumis une grande partie de ces réflexions au "Comité provisoire pour la standardisation de l'alphabet amazigh", dont nous faisions partie. Malheureusement cette organisation n'a pas pu continuer ses travaux. Les objectifs qu'elle avait affichés restent donc toujours à l'ordre du jour.
    Source:mondeberbere.com

    Partager via Gmail

  • Toutes les inscriptions connues, au nombre de 1125, sont réunies dans un corpus dû à Chabot (1940). Beaucoup ont été découvertes à la suite des recherches de M. Rodary (v. Chaker 1984) Les plus importantes sont les inscriptions monumentales de Dougga en Tunisie qui contenaient beaucoup de noms propres et de titres.

    L'alphabet tifinagh renferme des informations précieuses sur l'état de la langue berbère d'il y a plus de 2000 ans. Pourtant, malgré des dizaines d'années de recherches beaucoup de ces inscriptions demeurent pour l'essentiel indéchiffrées. Pourquoi ? D'après Salem Chaker (1984 ; 246-258), plusieurs raisons ont en effet empêché les chercheurs à aboutir à un déchiffrement complet des inscriptions libyco-berbères. Certaines de ces raisons sont liées à la nature même de l'alphabet, d'autres sont plutôt d'ordre géographique et linguistique. Nous en reproduisons quelques unes ci-dessous :

    La rareté des travaux sur cet alphabet (deux travaux essentiels Chabot 1940 et L. Galand 1966)
    L'alphabet libyco-berbère ne notait pas les voyelles.
    La distance énorme entre le libyco-berbère et la langue berbère d'aujourd'hui (deux millénaires)
    le lexique berbère est mal connu par les chercheurs.
    Les recherches sont en grande partie menées par des chercheurs non berbérisants. En effet, pour aboutir à des résultats satisfaisants, la collaboration d'équipes pluri-disciplinaires est essentielle : berbérisants, archéologues, sémitisants, spécialiste de l'épigraphie latine et punique, historien et protohistoriens...
    Malgré ces difficultés, plusieurs recherches ont abouti à des déchiffrements qui nous renseignent sur l'état de la langue amazighe d'il y'a 2000 ans.

    La parenté libyque-berbère
    La question principale à laquelle les chercheurs ont essayé de répondre en déchiffrant l'alphabet amazigh est la suivante : Y a-t-il une parenté entre le libyque parlé il y a plus de deux milles ans et le berbère d'aujourd'hui ? La question de la parenté libyque-berbère a suscité beaucoup de débat. Etant devant un alphabet difficilement déchiffrable, certains en ont conclut que la langue dans laquelle sont écrites ces inscriptions a totalement disparu et contestent donc toute parenté entre le libyque et le berbère. Mais, citant Gabriel Camps (1980 - 276) :" Si le libyque n'est pas une forme ancienne du berbère, on ne voit pas quand et comment le berbère se serait constitué ". Au delà de cet "argument négatif ", on peut prendre à témoin pour établir la parenté du libyque et du berbère "toutes les données historiques : la toponymie, l'onomastique, le lexique ainsi que le témoignage des auteurs arabes" (ibid) Pour prouver la parenté libyque-berbère, Marcy (1936) part non plus du punique, ni même du latin, mais du berbère, en prenant comme référence de base les racines bilitères et trilitères du touarègue, le parler amazigh le mieux conservé et le mieux décrit. Il est ainsi parvenu à déchiffrer plusieurs textes libyques et à les traduire intégralement en français.

    Les résultats des déchiffrements
    Seule la forme orientale a été déchiffrée grâce notamment à l'existence d'importantes inscriptions bilingues punico-libyques. Ce déchiffrement a permis de déterminer la valeur de 22 signes sur 24. Les résultats dont les chercheurs disposent, aussi maigres soient-ils, suffisent à prouver la parenté libyque-berbère (v. J. G. Février (1956), K. Prasse (1972)). Ce sont les ressemblances dans les mots outils et les morphèmes qui amènent à une telle affirmation. Et parmi elles, les plus importantes pièces sont constituées par la double présence des prépositions n (de) et d (avec, et), un trait inconnu à n'importe quelle autre langue que le berbère et le tchado-chamitique (haoussa), associée de l'existence de w (fils) et wlt (fille).

    Ci-dessous quelques affixes et mots déchiffrés ayant un pendant berbère (notons que les voyelles n'étaient pas transcrites en libyque). Ces exemples sont tirés de Prasse (1972).

    Libyque

    Berbère [2]

    Glossaire

    gld

    agllid

    roi

    skn

    taskawt

    construction

    w

    w

    fils de

    wlt

    wlt

    fille

    zlh [3]

    uzzal

    fer

    ysh

    yusa

    arriver

    sqr

    asghar

    bois

    s / ns

    s / nnes

    son / leur

    d

    d

    préposition : et /avec

    n

    n

    préposition : de

    s

    as

    lorsque

    n

    n

    désinence du pluriel des noms et des verbes. argaz : pl. : irgazn : homme(s)

    s

    s

    préfixe causatif. sgawr : faire asseoir

    m

    m

    préfixe des adjectifs verbaux ; amxxar : voleur

    y

    y

    préfixe de la 3e personne masculin singulier des verbes ; yusad : il est venu

    t

    t

    préfixe de la 3e personne féminin singulier des verbes ; tusad : elle est venue

    t

    t

    affixes des noms féminins ; t-amazigh-t (femme berbère)

    Le système phonologique atteste aussi de la parenté libyque-berbère (v. K. Prasse (1972) pour plus de détail.)
    Source:mondeberbere.com

    Partager via Gmail

  • Là aussi, quelques hypothèses cohabitent en attendant d'autres travaux. La seule certitude nous vient d'une inscription qui porte une date : celle du temple du roi amazigh Massinissa qui attribue la construction du temple à l'an 10 du règne de ce roi ; c.-à-d. 139 ans avant notre ère. Pour certains, les transcriptions libyco-berbères commencent à apparaître vers 150 ans avant notre ère et s'étend sur une période de quelques 600 à 700 ans. Mais cette date bute sur une objection de taille. Etant devant un alphabet déjà perfectionné - celui du temple de Massinissa - il est tout à fait normal de supposer une certaine période de développement qui ne peut être atteint en 11 ans. Camps (1978) remonte la date de l'apparition de Tifinagh au moins jusqu'au VI siècle avant J.C.

    L'évolution de Tifinagh
    Officialisation chez les rois Massinissa et Micipsa pendant leurs règnes ;
    Usage maintenu jusqu'à la période romaine (mentionné chez les auteurs latins tardifs : Fulgence le mythographe, Corippus, etc.)
    Disparition de l'Afrique septentrional à l'arrivée des Arabes. Aucun texte arabe n'a mentionné cette écriture.
    Son maintien chez les Touarègues jusqu'à nos jours ;
    Sa renaissance au début des années 70 chez les Berbères d'Afrique du Nord (surtout d'Algérie et du Maroc)

    Source:Mondeberbere.com
    Partager via Gmail




    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique