• Pétrole au Niger : Gare à la flambée de la rébellion !
    Le Niger se prépare à entrer dans le cercle très fermé des pays producteurs de pétrole. C’est en tout cas le chemin qu’il a emprunté en approuvant un Contrat de partage de production (CPP) pétrolière avec la China national oil and gas development and exploration corporation (CNODC) le mardi 3 juin 2008.

    Les premiers barils nigériens sont attendus d’ici l’horizon 2009-2010, car les recherches ont permis de mettre en évidence des centaines de millions de barils de réserve pétrolière.

    D’autres investigations et études se poursuivent toujours au Nord dans les régions de l’Aïr et de l’Azaouak, où une vingtaine de compagnies sont en train de fouiller les entrailles du sol, traquant la moindre odeur d’or noir. Et vraisemblablement, il y a beaucoup de chances que d’autres gisements soient découverts au pays de Mamadou Tandja.

    On ne peut que se réjouir de cette bonne nouvelle, qui vient à point nommé à un moment où le cours du baril est permanemment à la hausse. En plus de l’uranium, dont le pays est un des principaux producteurs mondiaux, le Niger va disposer maintenant d’un autre levier pour booster son développement.

    Ce qui est sûr, avec les substantielles entrées supplémentaires de devises attendues de l’exploitation de l’or noir, si l’Etat fait preuve de transparence et de bonne gestion, le Niger pourra bouter hors de ses frontières, à brève échéance, la pauvreté et la famine, qui assaillent une bonne partie de sa population depuis des décennies. La santé, l’éducation, l’énergie et l’eau sont autant de secteurs qui pourront connaître une véritable amélioration.

    Mais pour tirer profit de cet or noir, encore faut-il que les filles et fils du Niger se donnent la main, laissent de côté leurs rancœurs et leurs rancunes afin que la nation entière puisse s’entendre sur l’essentiel pour une gestion optimale de ces ressources additionnelles ! C’est par la gestion et l’utilisation de ce nouveau pactole que le président Tandja pourra montrer aux yeux du monde qu’il est un véritable homme d’Etat. Car il doit réussir l’union sacrée pour une bonne exploitation de cette manne, sinon bonjour les dégâts.

    En effet, dans un pays miné par la rébellion touarègue, le risque est grand que le pétrole vienne exacerber une crise que Niamey a déjà du mal à résorber. Et les conditions sont réunies pour que sévisse au Niger le syndrome de l’or noir, cette malédiction qui frappe et déchire une bonne partie des pays producteurs de pétrole en Afrique : les guerres, rébellions et groupes armés qui ont éclaté ou éclatent toujours dans certains Etats comme le Congo, l’Angola, le Nigeria ou le Tchad, pour ne citer que ceux-là.

    Le pétrole, on le sait tous, attise des convoitises. Et on ne sera pas étonné de voir pousser à côté du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), la rébellion touarègue, d’autres groupes ou groupuscules armés pour demander des dividendes de la manne pétrolière. Des exemples de ces mouvements de revendication foisonnent au Nigeria dans le Delta du Niger et on se rappelle le Mouvement pour la survie du peuple Ogoni de l’écrivain Ken Saro-Wiwa dans les années 90.

    Il est à craindre que les revenus du pétrole, plutôt que de servir au développement du pays, ne servent davantage à l’achat d’armes. On l’a vu au Tchad, où Deby n’a pas hésité, dans sa lutte contre son opposition armée, à décadenasser les caisses du Fonds pour les générations futures.

    Niamey a donc du pain sur la planche et devra travailler de sorte à conjurer les mauvais sorts qui s’acharnent sur nombre de pays producteurs de pétrole. Sur ce point d’ailleurs, on peut aisément constater que cette malédiction, dont on parle tant, ne touche que les pays de l’Afrique noire à quelque deux exceptions près (Gabon et Guinée Equatoriale). Dans les pays occidentaux et les émirats pétroliers, il n’y a aucun conflit armé interne (guerre civile) sous-tendu par l’exploitation de l’or noir.

    Signe que les temps ont changé, c’est la Chine que Niamey a choisie pour exploiter son pétrole. Sinon c’est à la France qu’un tel gombo gluant allait échoir. Les contrats d’exploitation de l’uranium sont là pour nous le prouver. Mais c’est aussi le signe d’une certaine perte de vitesse de l’ancienne puissance colonisatrice et la confirmation de l’entrée tonitruante que l’Empire du milieu est en train de réussir sur le continent depuis quelques années et dans tous les domaines.

    Croisons les doigts et espérons que le Niger, à la différence des autres pays, pourra vaincre le signe indien de la malédiction pétrolière et que son or noir servira véritablement au développement de la nation et des populations.

    Et que, loin de susciter de nouvelles ambitions politiques à Mamadou Tandja (la modification éventuelle de la Constitution pour briquer un autre mandat), celui-ci acceptera de partir du pouvoir au terme des exigences légales, c’est-à-dire l’année prochaine. Toute tentative de s’éterniser au pouvoir pour jouir des fruits du pétrole sera une bombe sociale et politique qui pourra exploser à tout moment.

    San Evariste Barro

    L’Observateur jeudi 5 juin 2008.

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  • SAHEL: Journal du changement climatique au Sahel – 2ème jour
    BAMAKO, 4 juin 2008 (IRIN) - Jan Egeland, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur les conflits, se déplace dans le Sahel cette semaine pour attirer l'attention de la communauté internationale sur la région du monde qui, selon les Nations Unies, subit les conséquences les plus lourdes du changement climatique. Chaque jour, M. Egeland livre à IRIN ses pensées et ses expériences dans un journal dont voici le deuxième volet, rédigé cette fois depuis Bamako, la capitale du Mali.

    « Trop de Maliens ont recours aux armes pour résoudre leurs griefs, à mesure que la croissance démographique galopante, l'épuisement progressif des ressources en eau et la détérioration des terres agricoles et pastorales transforment les voisins en ennemis à travers les vastes régions de cette vieille contrée ».

    « Selon mes collègues des Nations Unies qui se trouvent ici, à Bamako, la capitale, des centaines de petits conflits, relativement localisés, font rage à travers le Mali ».

    « Et les représentants du service des armes légères de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) m'ont dit que des armes affluaient actuellement ici ; elles proviennent de plusieurs autres pays de la région, qui ont mis fin dernièrement à leurs propres guerres. Selon la CEDEAO, le nombre des fabricants d'armes locaux a également doublé ces quatre ou cinq dernières années au Mali ».

    « Ce fut d'ailleurs une révélation assez émotionnelle, pour moi. La dernière fois que j'ai travaillé au Mali, c'était il y a 10 ans, pour le compte des ONG [organisations non-gouvernementales] et du gouvernement norvégiens;j'avais participé à la négociation d'un moratoire sur les armes légères. À l'époque, la rébellion des Touaregs du nord venait de s'achever et le Mali était encore inondé d'armes légères, qui avaient afflué dans le pays après la fin d'autres conflits africains et de la Guerre froide "

    « Aujourd'hui, les institutions que nous avions créées pour appliquer le moratoire et retirer ces armes de la circulation, notamment la Commission nationale sur les armes légères, existent encore mais elles se débattent avec des fonds et un soutien qui sont loin d'être suffisants. Ces institutions et ce moratoire sont tout aussi essentiels aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a 10 ans ».

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    « Mais pour mettre un terme à ces affrontements, actuellement limités et isolés, il ne suffira pas de retirer ces armes des mains du peuple ».
     

    Le changement climatique, source de conflits

    « J'ai entendu aujourd'hui [le 3 juin] le président Amadou Toumani Touré, le Premier ministre ainsi que d'autres hauts responsables, dont les propos rejoignent ceux que j'ai entendus hier au Burkina Faso -pays voisin, situé à l'est du Mali et où j'ai commencé cette tournée d'une semaine dans le Sahel. Ils m'ont parlé de la diminution et de l'imprévisibilité des précipitations, des pénuries d'eau et de l'avancée progressive du désert du Sahara sur les terres arables du Mali et le fleuve Niger, autant de facteurs qui contraignent les communautés agricoles et pastorales à empiéter sur leurs territoires respectifs et provoquent des affrontements fréquents ».
     
    «Les éleveurs du nord du Mali, où je me rends demain, se sentent apparemment très en marge, eux aussi, du processus de développement en cours dans le sud du pays, une autre source de tension. Dans cette région, certains membres de l'ethnie des Touaregs ont lancé une rébellion, revendiquant l'égalité politique et économique du nord ».

    « De même, nous avons évoqué les souffrances des Maliens face à la hausse du prix du riz, et la production de coton, principale culture de rente du pays, décimée par des pluies imprévisibles »


    Les trafiquants de drogue colombiens

    «Il semble que les trafiquants de drogue colombiens, qui disposent de fonds illimités pour soudoyer [les populations], payent et se battent pour obtenir le contrôle des itinéraires transsahariens qui leur permettent d'acheminer leurs drogues vers l'Europe et jusqu'au Golfe. Ils sapent [l'autorité du] gouvernement et font régner l'insécurité dans une bonne partie du pays. Je connais, pour avoir travaillé en Colombie, les troubles causés par ces gangs, et je sais combien il est difficile de les déloger une fois qu'ils se sont établis quelque part ».

    « Tout ce que j'ai vu et entendu au Mali a confirmé l'impression que j'avais déjà, à savoir qu'on ignore encore s'il y aura davantage de coopération ou davantage de conflits au Sahel. Nous pouvons contribuer à investir dans la coopération ».

    «Il y a des gens, ici, qui préconisent un recours à l'armée pour mettre fin aux rébellions, aux attaques armées et à la contrebande. L'armée est certainement une solution contre la contrebande et le trafic de drogue, mais les griefs sociaux, politiques et culturels légitimes ne peuvent être réglés de cette façon. C'est par les investissements, le développement et le dialogue qu'on parviendra à les résoudre ».


    Soutien des bailleurs et des Nations Unies

    « Je vais par conséquent encourager les bailleurs, qui ont déjà soutenu un grand nombre de bons programmes, ici, à Bamako, à consacrer des fonds bien plus importants au financement des programmes environnementaux et aux projets destinés à aider et à autonomiser les éleveurs, surtout. Ils doivent également soutenir les programmes de retrait des armes légères ».

    « Nous avons également convenu que les Nations Unies pourraient et devraient en faire davantage pour favoriser la réconciliation au plan local, le développement local et l'autonomisation des agriculteurs et des communautés agricoles du nord, ainsi que des éleveurs ».

    «La situation est déjà très tendue. Mais nous pouvons prévenir un conflit plus grave en injectant les investissements nécessaires et en coopérant. Le président du Mali a pris une position tout à fait admirable en faveur d'un dialogue avec toutes les communautés marginalisées. Avec les voisins du Mali, il organise actuellement une conférence régionale sur la paix et la sécurité qui devrait commencer en juin ou en juillet, semble-t-il ».

    « À présent, cap sur Tombouctou, cette cité ancestrale où se trouve le lac Faguibine ; au lac, je pourrai constater par moi-même l'impact du changement climatique et, je l'espère, imaginer des solutions créatives pour y faire face ».

    nr/vj/ed/nh/ail
    Source: IRIN

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  • SAHEL: Journal du changement climatique au Sahel – 1er jour
    OUAGADOUGOU, 3 juin 2008 (IRIN) - Jan Egeland, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur les conflits, se déplace dans le Sahel cette semaine pour attirer l'attention de la communauté internationale sur la région du monde qui, selon les Nations Unies, subit les conséquences les plus lourdes du changement climatique. M. Egeland livre à IRIN ses impressions dans un journal dont voici les premières lignes, écrites le 2 juin de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso.

    « Un débat très académique est en cours actuellement en Europe : on se demande encore si "le climat est déjà en train de changer" et si "le changement climatique est visible aujourd'hui". Ici, au Burkina Faso, ce débat n'a pas lieu, parce que les conséquences parlent déjà d'elles-mêmes ».

    « Bien que nous ayons passé la journée [du 2 juin] à rencontrer les représentants du gouvernement et le personnel des Nations Unies, cela m'a ouvert les yeux, surtout les discussions que j'ai eues avec les ministres de l'Agriculture et de l'Environnement. Tous ceux que j'ai rencontrés m'ont donné une kyrielle d'exemples de la manière dont tout ce qui a à voir avec le climat et les précipitations au Burkina Faso a atteint des extrêmes ces 10 dernières années ».

    « Le changement climatique au Burkina Faso ne se traduit pas par une réduction des précipitations, mais par leur plus grande imprévisibilité. Et le climat général est devenu bien plus extrême dans sa manière de se manifester : la chaleur, le froid, les hauts et les bas en matière de précipitations ».

    « Les populations ne peuvent pas prédire quand la pluie va tomber. Et quand elle tombe, il pleut des cordes. L'année passée, le Burkina Faso a enregistré huit précipitations de plus de 150 millimètres : cela veut dire qu'il y a eu huit inondations dévastatrices dans une période de quatre mois ».

    « L'alternative aux inondations est, en fait, une absence de précipitations : c'est tout ou rien, et dans tous les cas, cela se traduit par une crise, de façon complètement imprévisible, pour des populations qui comptent parmi les plus pauvres du monde ».

    « J'ai appris aujourd'hui que dans des régions où il ne pleuvait auparavant jamais, les populations enterraient leur argent dans la terre pour le conserver, n'ayant pas accès aux banques. Or, l'année dernière, lorsque des pluies torrentielles se sont abattues sur certaines de ces régions, la terre s'est transformée en bourbier et l'argent [enterré] a été emporté par les eaux de crue, avec les maisons des habitants et le reste de leurs biens ».

    « [Cette anecdote] est un bon exemple de la bizarrerie des nouvelles réalités auxquelles les populations de ce pays se trouvent confrontées à mesure qu'elles se trouvent aux prises avec des conditions climatiques qu'elles n'avaient jamais connues jusqu'ici ».

    « Une autre retombée importante concerne l'agriculture, bien sûr. Les habitants plantent au moment où la pluie doit commencer à tomber, et puis, rien ne tombe, ou bien les pluies sont très peu abondantes, alors les pousses finissent par se dessécher et mourir. Et puis soudain, de violentes averses s'abattent, qui provoquent une inondation et tout est emporté par les eaux ».

    « Ce qui m'a également ouvert les yeux, aujourd'hui, ç'a été de prendre connaissance des statistiques qui m'ont été présentées par le gouvernement, et selon lesquelles le Burkinabè moyen émet 0,38 tonne de CO² par an. Le Chinois moyen en émet 10 fois plus, un Britannique 30 fois plus et les Américains 75 fois plus par habitant ».

    « Et de découvrir que le Burkina Faso émet en tout 4,5 millions de tonnes de CO² par an, tandis que le Canada en déverse 747 millions de tonnes, pour une population à peu près équivalente ».

    « Cela illustre un problème moral important : ceux qui ne contribuent pas au réchauffement climatique font les frais des changements que ce phénomène engendre, tandis que ceux qui l'ont causé s'en sortent bien. En d'autres termes, les pays du nord commettent des meurtres en toute impunité ».

    « La situation est-elle désespérée ? Absolument pas. Les membres du gouvernement et des Nations Unies que j'ai rencontrés ici aujourd'hui m'ont fait clairement comprendre que le Burkina Faso avait besoin d'investissements. Le pays pourrait produire bien plus de vivres, s'il recevait de l'aide sous forme de semences, d'engrais et de systèmes d'irrigation plus performants, en plus grande quantité ».

    « Le ministre des Affaires étrangères a expliqué que le pays avait également besoin d'aide en matière de production d'énergie et de reforestation. Je vais m'efforcer de trouver, dans les prochains jours, des exemples concrets de solutions possibles ».

    « Malheureusement, ce qu'on m'a fait remarquer à juste titre, c'est qu'à ce jour, les palabres sont allés bon train sur l'aide à apporter aux pays en voie de développement pour leur permettre de faire face au changement climatique, mais que ces paroles ne se sont guère traduites en actes ».

    « [Les gens] sont désillusionnés, et c'est vraiment honteux, parce qu'ils n'ont rien fait pour se mettre dans une telle situation, et nous qui avons causé ce problème en ignorons les conséquences parce qu'elles ne nous concernent pas ».

    « Demain [le 3 juin], nous poursuivons notre voyage au Mali, où d'autres rencontres sont prévues à Bamako, avant de nous rendre à Faguibine, un lac asséché situé près de Tombouctou, où il sera intéressant d'observer le changement climatique par nous-mêmes ».

    nr/vj/nh/ail
    Source: IRIN

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  • Afrique subsaharienne : enjeux stratégiques et impératifs de sécurité

    La toute récente visite à Alger du ministre de la Défense et des Anciens combattants malien, M. Natié Pléa, a notamment montré que deux pays voisins, l'Algérie et le Mali, se concertent régulièrement au sujet de l'Afrique subsaharienne, ensemble géopolitique instable et crisogène. Elle aura surtout été une nouvelle occasion pour rappeler que l'arc sahélien impacte concrètement la stabilité régionale et affecte inéluctablement la sécurité internationale. Terrorisme, banditisme, trafics illicites, immigration clandestine, rébellions de minorités ethniques, risque de sécessions territoriales, misère et pauvreté, sous-développement, uranium, gaz et pétrole, sont désormais autant de noms pour des enjeux stratégiques majeurs.

    Depuis le 11 septembre 2001, le Sahel, zone tampon entre une Afrique « noire » et une Afrique « blanche », est devenu un espace hautement stratégique dans la démarche globale de lutte contre le terrorisme international. Cette démarche, impulsée essentiellement par les Etats, est fondée sur le principe de la responsabilisation des Etats et la gestion in situ par les grandes puissances des menaces de tous ordres, le risque terroriste étant placé au premier rang des priorités.

    Il a fallu le choc du 11 septembre et l'intérêt stratégique que les Etats-Unis portent assidûment à cette vaste zone grise pour se convaincre davantage de sa transformation progressive en aire de prédilection pour des groupes terroristes, mafieux et séditieux. Les nombreux facteurs crisogènes propres à ce vaste territoire aux frontières poreuses, difficilement défendables et contrôlables, le prédisposent à devenir une région à hauts risques, propice à la multiplication de groupuscules terroristes, séparatistes et criminels à la recherche de sources de financement illégal et d'enrichissement illicite.

    Dans cette espace interlope où le désert favorise la dilution des frontières et la dissémination des populations, les intérêts des uns et des autres peuvent à un moment donné faire jonction. Le risque de connexion des mouvements de rébellion touareg avec le terrorisme labellisé Al Qaïda et des groupuscules de narcotrafic, de trafiquants d'armes, de traites d'êtres humains, de réseaux d'immigration clandestine, de contrebandiers de tous genres (cigarettes, voitures volées...) n'est plus un risque mineur. Toute cette nébuleuse est aujourd'hui en quête de nouveaux espaces incontrôlables pour s'installer, déployer sa menace, se redéployer, trouver de nouvelles sources de financement, établir des bases de repli et d'entraînement, des rampes de lancement, etc.

    Pendant trois décennies et jusqu'à l'apparition brutale de la menace terroriste islamiste au début des années quatre-vingt-dix du siècle dernier, l'Algérie, pour sa part, a organisé son système de défense nationale sur la base d'une menace militaire classique à sa frontière ouest. Elle fait désormais face à un faisceau de menaces protéiformes. La première, majeure, est constituée par le développement d'un terreau islamiste, transformé ces deux dernières années en sanctuaire pour le terrorisme international portant le label de la nébuleuse Al Qaïda. Depuis septembre, date de l'allégeance du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, le tristement célèbre GSPC, le terrorisme algérien, consanguin de naissance, s'est régionalisé en intégrant progressivement des recrues maghrébines et subsahariennes, dont certaines ont connu leur baptême du feu dans les abcès de fixation du nord de l'Algérie, notamment dans les Aurès, la région limitrophe d'El Oued et la Kabylie.

    En se transformant ainsi en Al Qaïda au Maghreb islamique et en troquant le sigle local GSPC pour « l'international » AQMI, l'organisation de Abdelmalek Droudkal (Abou Mossaab Abdelwadoud) a transformé de fait le Maghreb et son prolongement subsaharien en démembrement stratégique pour le consortium terroriste d'Oussama Ben Laden, en troisième région d'Al Qaïda après les théâtres irakien et afghan. Avec le recours inédit aux attentats kamikazes, précisément à l'usage de jeunes et vieux amants de l'Apocalypse, ces human bombs qui sèment le chaos dans les grandes villes, AQMI a marqué symboliquement son nouveau caractère « international », transfrontalier et suprareligieux. Elle le fait, depuis, de manière sporadique avec l'utilisation du suicide sanctificateur et du martyre, si étranger à l'islam sunnite, en général, et au rite malékite dominant au Maghreb, en particulier.

    L'Algérie, spécifiquement son armée et ses services de sécurité, sont donc confrontés à l'existence d'un couloir sahélien qui constitue une rampe de lancement d'attaques terroristes contre les pays maghrébins et ceux de la rive méditerranéenne de l'Europe. Notre pays fait ainsi face à une zone grise propice à la multiplication de trafics illégaux en tous genres (armes, stupéfiants, cigarettes, véhicules, matières premières, etc.).

    Cette vaste région de l'ancienne Afrique soudanaise est également devenue une zone d'exportation d'une immigration clandestine de masse en direction de l'Afrique du Nord et de l'Europe du Sud à travers notamment les deux pays de passage préférés, l'Espagne et l'Italie. Cette émigration procède d'un mouvement plus vaste de transfert de populations conséquemment aux cycles de sécheresse et de famines et à la pauvreté endémique qui sévit dans ces contrées inhospitalières.

    La région constitue aussi un terreau favorable aux rébellions et aux dissidences. L'année 1963 fut celle du premier soulèvement touareg, maté dans le sang, dans l'Adghagh des Ifoughas. Les années 1980 et 1990 seront plus tard celles de l'expansion de l'irrédentisme touareg avec l'émergence de rébellions inaugurée au Mali par l'emblématique mouvement Azawed (ARLA). Malgré les trêves et autres accords périodiques de paix, conclu sous le parrainage sollicité de l'Algérie, notamment en 1993 et 2006, la région est confrontée à une récurrence de rébellions à fort degré de déstabilisation régionale. Au Mali, la région du Nord, avec les trois abcès de fixation de Tombouctou, Gao et Kidal, soit près des deux tiers du territoire malien et dix pour cent de la population, constitue le ventre mou de la zone. Son pendant au Niger, est, rappelle-t-on, le MNJ, le Mouvement des Nigériens pour la justice qui a conclu avec le pouvoir central à Niamey les fragiles accords d'Alger de 2000.

    Malgré la dissémination des Touareg à travers une très vaste zone transfrontière, le risque de jonction et d'imbrication des mouvements de rébellion n'est pas une simple hypothèse de travail. L'unité linguistique (système d'écriture consonantique, les tifinagh), et l'homogénéité ethnique (Kel Tamahak en Algérie, Kel Tamajak au Niger et Kel Tamashaq au Mali), favoriseraient d'éventuelles connexions futures entre les mouvements irrédentistes touareg. Ce n'est d'ailleurs pas un simple hasard si, depuis 2006, une rumeur récurrente avait évoqué l'existence hypothétique d'une Alliance Touareg Niger-Mali, l'ANTM, dont le présumé porte-parole serait Hamma Ag Sid-Ahmed, un des artisans des accords avec le gouvernement malien. Dans la même veine, il y a eu par ailleurs l'apparition sur Internet d'une brumeuse « République touareg Tumoujgha. Manifestations virtuelles ou réelles, ces rumeurs exprimeraient tout de même l'idée, même évanescente, d'une volonté réelle ou d'une simple velléité de créer un jour un vaste ensemble touareg, homogène et viable auquel pourrait se joindre un futur éventuel mouvement algérien dont l'embryonnaire organisation des Jeunes pour l'autonomie du Sahara à laquelle des informations de presse avaient prêté notamment l'organisation et l'exécution de l'attentat contre un avion militaire à l'aéroport de Djanet en 2007.

    Pour l'instant, l'Algérie n'a pas beaucoup à redouter du renforcement de l'idée autonomiste dans le Tassili et le Hoggar, les structures d'intermédiation tribales assez fortes encore et l'action multiforme de l'Etat se conjuguant pour conjurer sa transformation en péril politique réel. Redoutable, la piste du narcotrafic constitue, d'autre part, une menace stratégique certaine. Des publications spécialisées, s'appuyant sur des notes d'alerte et d'évaluation de services de renseignements européens et américains de 2007 et 2008, signalent à ce propos une augmentation croissante du trafic empruntant les routes sahéliennes contrôlées par les Touareg. Ces feuilles renseignées n'hésitent pas évoquer une probable alliance objective entre un cartel colombien de Medellin et des chefs rebelles. Ce cartel, qui viserait des « marchés émergents » comme l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, préférerait emprunter les voies sahéliennes plutôt que les routes maritimes qui se heurtent aux programmes de lutte contre l'immigration clandestine mis au point par le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. Selon ces mêmes sources, certains chefs rebelles percevraient une dîme sur chaque mouvement, l'argent perçu servant à acheter des armes et des moyens de communication et de transport en s'appuyant notamment sur les trafiquants et la diaspora touareg.

    La région subsaharienne, c'est aussi les énergies fossiles et surtout l'uranium dont le Niger est un des plus gros producteurs mondiaux. Dans cette région, s'affrontent désormais deux ambitions et des intérêts forcément contradictoires d'une ancienne puissance coloniale, la France, et d'une superpuissance émergente, la Chine, future hyperspuissance. Désormais, le quasi-monopole du français Areva est un tant soit peu battu en brèche par la Chine. Des acheteurs chinois font désormais des déplacements réguliers à Niamey, et Pékin, légaliste à souhait, appuie le pouvoir central nigérien face à la rébellion touareg qu'Areva semble appuyer en sous-main.

    L'Algérie et la communauté internationale sont interpellées par des questions portant sur la stratégie à adopter pour sécuriser la région, neutraliser les rébellions, assurer donc la paix, la sécurité et le développement. Faire face surtout au risque de fixation durable du terrorisme qui aurait alors assuré une nette jonction avec le banditisme, le narcotrafic et la rébellion avec toutes les répercussions et les débordements des troubles dans les pays limitrophes et la rive nord de la Méditerranée.

    Noureddine Khelassi-La Tribune-05-06-08

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  • Le président algérien reçoit le ministre malien de la Défense
    ALGER, 4 juin (Xinhua) -- Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a reçu mercredi à Alger le ministre malien de la Défense et des Anciens combattants Natié Plea.

    L'Algérie et le Mali mènent des actions concertées autour des problèmes liés à la sécurité de leurs frontières communes, en vue de les gérer ensemble, a déclaré Natié Plea mercredi à la presse à l'issue d'une rencontre avec le président Bouteflika.

    "Nous avons échangé utilement des points de vue liés aux préoccupations communes qui touchent à la sécurité de nos frontières et nous avons envisagé de mener ensemble des actions concertées pour gérer ce problème très sensible", a ajouté le ministre malien.

    Il a affirmé avoir présenté un "compte-rendu" au président Bouteflika des discussions qu'il a eues avec les responsables du ministère algérien de la Défense nationale, soulignant avoir " bénéficié du président de la République de sages conseils" qui, a- t-il dit, "nous a fortement encouragés à aller dans ce sens".

    Le ministre malien est arrivé mardi à Alger pour effectuer une visite officielle de deux jours.

    Les forces armées maliennes font face à une rébellion touarègue qui s'est manifestée par l'attaque simultanée de deux camps militaires du nord-Mali, en mai 2006.

    Ni un accord de paix parrainé en juillet 2006 par l'Algérie, ni un protocole de cessez-le-feu intervenu en avril dernier à Tripoli ne sont parvenus à enterrer définitivement les hostilités.

    Une vaste offensive diplomatique menée par les autorités maliennes est actuellement en cours en vue de la tenue d'une conférence internationale sur la sécurité dans la bande sahélo- saharienne.

    Plusieurs chefs d'Etat dont le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, et le chef de l'Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika, ont annoncé leur adhésion et leur participation prochaine à une telle conférence.

    Xinhua
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