• Moussa Kaka : le Niger face à ses contradictions.

    Aujourd'hui Samedi 20 Septembre 2008, Moussa Kaka aura égrainé ses trois cent soixante cinq jours de détention. Pour comprendre au mieux l'attitude des autorités nigériennes à l'égard de ce journaliste pris au piège d'une liberté de presse fictive, il importe de se pencher sur les faits ayant émaillé l'actualité du Niger de 2007. Face à l'insécurité grandissante dans le septentrion du pays, le régime de Niamey se trouve pris à son propre piège.

    - Première contradiction :
    La rébellion du MNJ est qualifiée de banditisme et trafic de stupéfiant. Ce n'est donc pas une question d'envergure nationale qui mettrait en péril l'intégrité du territoire. Parallèlement, la région est placée sous état de mise en garde, interdite d'accès aux journalistes, aux ONG humanitaires et aux organisations des droits de l'homme. Mieux, les journalistes ayant tenté de faire la lumière sur cette affaire et les ressortissants de la région qui auraient osé pointer du doigt cette aberration, sont arrêtés et accusés d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Depuis quand un phénomène qualifié de banditisme marginal met-il en danger l'intégrité territoriale d'un pays, au point où, par ricochet, le journaliste qui tenterait de faire des investigations à ce sujet deviendrait un danger pour la république et donc passible de la peine capitale ? Il y a bien-là un choix à faire, si tant est que l'on souhaite garder un minimum de crédibilité aux yeux de l'opinion internationale.
    Le revirement spectaculaire du ministère public au sujet de Moussa Kaka met à nu l'ambivalence d'un système en mal de convictions. Il est évident que Moussa Kaka n'est pas maintenu en prison pour les faits qui lui sont reprochés, faits réfutés par la justice nigérienne. La réalité est qu'il a été sacrifié dans le but de servir d'exemple dissuasif pour ses collègues journalistes. Cette corporation voit hélas se réduire telle une peau de chagrin la liberté d'informer et de s'informer que les Nigériens ont si bien savourée durant ces 15 dernières années.

    - Deuxième contradiction :
    Dès le début du conflit, la France, à travers Areva a été pointée du doigt et accusée de soutenir le mouvement du MNJ. Cela signifierait alors, dans une telle logique, que cette puissance soutiendrait des « trafiquants de drogue ». Après que la France ait accepté de réviser à la hausse le prix du minerai énergétique, elle devient à nouveau fréquentable. Mieux, les relations diplomatiques se remettent au beau fixe « entre les deux pays unis par des liens séculaires ». Ceci a permis la poursuite sans encombre du projet Imouraren et la réouverture des émissions sur FM de RFI.

    - Troisième contradiction :
    Il importe dès lors, de trouver un autre allié aux « trafiquants » du MNJ. Comme par hasard, la Lybie du colonel Khadafi est bien là pour assurer ce rôle peu enviable. Ni les relations de bon voisinage préconisées par la jamahiria, ni l'aide humanitaire versée par la fondation Khadafi à Niamey n'auront permis à la Lybie de se débarrasser de cette étiquette malsaine. Il a donc fallu la rencontre d'Ubari, pour que Khadafi soit requalifié par Niamey de « sage et bon donneur de morale ». Les accusations contre ce pays sont balayées d'un revers de journal télévisé par le porte parole du gouvernement.


    - Quatrième contradiction :
    Il s'agit-là d'un aspect qui relève du sacré car de la vie humaine. Le Niger prétend ne pas être en guerre mais faire face à du banditisme. Alors, si la justice existe, les familles des 17 personnes que le régime se glorifie d'avoir tuées le 27 juin 2008 à Tezirzet doivent porter plainte pour assassinat prémédité. A moins qu'aux yeux de l'opinion internationale, la souveraineté nationale confère à l'Etat le droit de disposer de la vie de ses citoyens. Le président de la république, en tant que chef suprême des armées, doit répondre de ces crimes pour lesquels du reste, il sera jugé dans l'au-delà.

    Au-delà de ces contradictions propres à notre système politique, la communauté internationale n'est pas la plus mal lotie dans ce domaine. Combien sont les Etats membres du système onusien prêts à voter pour le fameux RTP (right to protect : le droit de protéger) ? Certainement très peu car chacun d'eux couve des aberrations et des intérêts qu'il n'est pas prêt de mettre sur la place publique. Ainsi, les Etats se soutiennent mutuellement, au nom de la souveraineté et des relations diplomatiques, au détriment des peuples qui subissent les inconséquences des différents régimes politiques.
    L'exemple le plus flagrant s'est passé à Nairobi. Après avoir confisqué de force le fauteuil présidentiel, et moyennant quelques centaines de morts, de blessés et d'exilés, le chef de l'Etat accepte de partager le pouvoir avec son challenger Railo Odinga. Cette démarche des plus anti-démocratique a été soutenue par les Nations Unies, le Royaume Uni, l'Union Européenne et les Etats-Unis. Ce succès éclatant qui fait tâche d'huile dans cette partie de l'Afrique, devient un modèle pour le Zimbabwé et certainement un exemple à suivre pour les dictateurs en fin de légitimité.

    Issouf Ag MAHA
    Maire de Tchirozerine

    « NUOTA TUAREG RIBELLEVisite d'une mission conjointe Niger-ONU dans la région nigérienne d'Agadez »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,