• Niger: La crise de mai 2009

    http://www.la-constitution-en-afrique.org/


    par Stéphane BOLLE

    Maître de conférences HDR en droit public
    http://www.la-constitution-en-afrique.org/

    Le Niger est désormais plongé dans une crise constitutionnelle majeure.

    Le débat public contradictoire sur les vertus et la constitutionnalité du "Tazartché" a dégénéré en confrontation ouverte, lorsque, au mois de mai 2009, le Président Mamadou Tandja a souscrit au projet de changement de régime constitutionnel, de passage de la V° à la VI° République, par la voie du référendum.

    Les faits marquants de ce basculement - d’une virtuelle révision dangereuse de la Constitution du 9 août 1999  à un projet de nouvelle Constitution - méritent d’être relatés. Quelques pistes de réflexion seront ensuite esquissées.

    LES FAITS

    4 mai 

    Le Président de la République du Niger, dans un entretien avec le journal français Libération et la chaîne de télévision France 24, considère que l’organisation d’un référendum s’impose pour répondre à « l’appel du peuple » visant son maintien au pouvoir, nonobstant la clause intangible de l'alternance présidentielle automatique.

    8 mai

    Lors d’un point de presse, le ministre de la Communication, Porte-parole du Gouvernement, précise les intentions du Président Mamadou Tandja : le référendum portera non sur une révision de la Constitution du 9 août 1999 mais sur une « nouvelle Constitution », permettant au Chef de l’Etat de se représenter et substituant au régime semi-présidentiel un régime présidentiel.

    11 mai 

    En écho aux critiques virulentes émanant de personnalités de la société civile (cf. http://nigerdiaspora.info/, rubrique « Idées et opinions ») et pour contrecarrer le projet présidentiel de référendum, 23 députés sollicitent de la Cour Constitutionnelle  l’interprétation des articles 1er, 5, 6, 36, 37, 39, 49 et 136 de la Constitution du 9 août 1999.

    16 mai

    A l’issue d’une retraite à Niamey, le Conseil des SAGES de la CEDEAO appelle le Niger à respecter l'article 2 1. du Protocole sur la bonne gouvernance et la démocratie qui, 6 mois avant la tenue d’élections, prohibe toute réforme substantielle de la loi électorale, sauf consentement d’une large majorité des acteurs politiques. Autrement dit, après l’adoption éventuelle d’une nouvelle Constitution, le Président Mamadou Tandja ne pourrait briguer un troisième mandat, en novembre 2009, sans violer les règles constitutionnelles communes de la CEDEAO.

    25 mai

    La Cour Constitutionnelle rend l'Avis n°2/CC par lequel elle estime inconstitutionnelle la tenue du référendum projeté ; elle indique même qu’un pouvoir constituant originaire ne pourrait apparaître dans la situation actuelle. Autrement dit, le Président Mamadou Tandja ne pourra donner la parole au peuple qu’en passant outre l’avis de la Cour Constitutionnelle, lequel n’a pas l’autorité d’un arrêt.

    26 mai

    Un communiqué laconique du Secrétariat général du Gouvernement rend publique la signature par le Président de la République du décret de dissolution de l'Assemblée Nationale qui s’apprêtait à formuler un avis – certainement défavorable - sur le référendum constituant.  Autrement dit, le Président Mamadou Tandja, soutenu dans son projet par son seul parti, le MNSD, qui n’occupe que 47 des 113 sièges de députés, fait du peuple l’arbitre du conflit qui l’oppose à la classe politique, y compris à ses alliés.

    29 mai

    Le Président de la République, dans un message à la Nation, confirme et justifie la tenue du référendum constituant – contre l’avis de la Cour Constitutionnelle et sans l’avis de l'Assemblée Nationale - et d’élections législatives anticipées.

    OBSERVATIONS

    La crise de mai 2009, dont le dénouement est incertain, suscitera des réflexions approfondies. Pour l’heure, la discussion et ouverte sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE  pour aborder des points essentiels de droit constitutionnel, en particulier ceux n’entrant pas dans la polémique publique. Votre serviteur vous en livre quelques-uns, sous forme de questions délibérément provocatrices.

    Le principe même des « clauses d’éternité » - dispositions constitutionnelles intangibles – n’est-il pas juridiquement séduisant mais politiquement vain ? Est-il réaliste de sanctuariser une règle d‘or de la Constitution politique, telle que la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels ? D’un point de vue démocratique, est-il déraisonnable que le Président de la République du Niger suspende le retour du « continuisme » et le retour du régime présidentiel – inspiré, sans doute, de celui de la Constitution de l'éphémère IV° République (1996-1999) - au double verdict des urnes – référendum et législatives ? Même si comparaison n’est pas raison, ce scénario ne ressemble-t-il pas à celui de la crise survenue en France à l’automne 1962, au conflit entre le général de Gaulle et la classe politique ? Sachant que le pouvoir de révision peut presque tout faire, peut-on envisager de brider en droit, l’apparition et l’expression du pouvoir constituant originaire ?

    Vos contributions et commentaires avisés sont très attendus.Au plaisir d’échanger

    Stéphane BOLLE

    Maître de conférences HDR en droit public

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    « Guerre et environnementTripatouillage constitutionnel au Niger : La CEDEAO lance un appel aux autorités »
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