• Mamadou Tandja : Djermakoye, un ami qui vous veut du bien

    On n’est jamais trahi que par les siens, mais on n’est jamais sauvé non plus que par les siens. Depuis des mois, on voyait Mamadou Tandja venir : il allait replâtrer la constitution pour rester dans son fauteuil bien que cette même loi fondamentale circonscrive toute destinée présidentielle à deux mandats. Sous le couvert de terminer certains grands chantiers auxquels il attache du prix, le chef de l’Etat nigérien ne veut donc pas partir en décembre 2009 au terme de son second et dernier bail.

    Mais les députés, y compris certains de son propre camp, regimbent à lui donner ce quitus, les syndicats tapent le pavé, et les opposants disent haro à la volonté de confiscation du pouvoir. L’ex-aide de camp de Seyni Kountché n’en a cure, il a trouvé la parade : il abandonnera l’actuelle constitution pour une autre, et bonjour la VIe République, grâce à un... référendum à venir. D’où la montée en puissance de la réprobation de ceux-là même qui l’ont aidé à parvenir au pouvoir et de certains dont des années de compagnonnage ont forgé des liens d’amitié avec lui. Parmi ceux-ci, Mahamane Ousmane de la CDS et actuel occupant du perchoir.

    Ancien président de la République et souvent allié inattendu de Tandja à telle enseigne que certains l’accusent de jouer parfois un jeu trouble, le président de l’Assemblée nationale a pris ses distances avec le chef de l’Etat par rapport à cette pantalonnade qui se profile. Nul besoin de dire non plus que son ex-Premier ministre, Hama Amadou, qu’il a envoyé séjourner 10 mois à la prison de haute sécurité de Koutoukalé, est devenu un farouche opposant, et Tandja n’ignore pas que sans ses tours de passe-passe, Hama plus a beaucoup de chance de lui succéder.

    Par ailleurs, ils sont nombreux aujourd’hui au sein du MNSD-Nassara à ne plus comprendre l’attitude de Tandja, et du coup, le parti présidentiel est divisé entre pro-Hama et pro-Tandja. Pour ce qui est de Mamadou Issoufou du PNDS, éternel opposant, les contorsions de Tandja pour rester au pouvoir ne peuvent que lui donner des arguments supplémentaires pour combattre celui qui l’a coiffé au poteau à la présidentielle.

    Cependant la palme de l’anti-Tandja ces derniers temps revient à Moumouni Djermakoye Adamou, le président de la Haute Cour de justice, qui a eu un langage dur mais courtois sur ce projet politique de son « ami et frère d’armes ». A son cadet dans la grande muette, lui était lieutenant quand Tandja était sergent-chef, il est à l’aise pour parler. Et s’il semble lui avoir pardonné « la loi des 3 » (1), Djermakoye est allergique à ce tronçonnage constitutionnel.

    Il l’a fait savoir à « son pays » (2) à plusieurs reprises et estime qu’un passage de force de Tandja rendra le Niger ingouvernable. Cette situation du Niger appelle d’ailleurs à quelques lectures dignes d’intérêt : les fondements de la démocratie sont bien ancrés dans ce pays, sans doute la rançon de l’instabilité chronique qu’il a connue, avec notamment l’expérience des putschs et du « wankage ». Un contexte qui a permis, on oublie souvent de le souligner, la rotation politique. Avec des hommes politiques qui ont les moyens et qui ne se laissent pas faire même face au président.

    Contrairement au Burkina Faso où l’immobilisme du personnel politique est la règle, avec quelques personnes qui font des rushs (va et vient), au Niger ça bouge. Au Faso, depuis plus de 30 ans, le pays est dirigé par la classe CDR, pour parler comme sous la révolution. Ce n’est pas pour prôner l’instabilité, mais le renouvellement de la classe dirigeante est toujours un signe de vitalité d’une démocratie.

    Pour en revenir au cas Tandja, une chose est de recevoir des conseils, une autre est de les prendre en compte. Entendra-t-il, par exemple, ceux de Djermakoye ou y passera-t-il outre ? La réponse sera vite trouvée, car décembre 2009, c’est déjà demain.

    Notes : (1) Les 3 premiers présidents nigériens (Hamani Diori, Seyni Kountché et Ali Souaibou) étaient des Djerma originaires de l’est du pays. Alors quand il s’est agi de choisir en 2000 le patron du MNSD-Nassara, parti majoritaire, qui allait devenir selon une loi non écrite, le 4e président, il semble que Tandja a pu écarter Moumouni Djermakoye, à qui le poste revenait, en disant que si celui-ci prend la tête du parti, il sera le 4e Djerma chef de l’Etat.

    - (2) Terme qu’emploie Djermakoye pour désigner Tandja.

    Par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

    L’Observaateur Paalga

    « Espoirs de paix et ouverture politique au NigerLa guerre des mots »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,