• CORRUPTION AU NIGER

    Dans le collimateur: d’anciens députés ou ministres, des directeurs de sociétés publiques et jusqu’à la famille du chef de l’Etat renversé (1999-2010).

    Sitôt au pouvoir au Niger après le coup d’Etat du 18 février contre Mamadou Tandja, la junte avait promis d’«assainir» les affaires publiques en cherchant notamment à récupérer des millions d’euros qui auraient été détournés par des proches ou des partisans du président déchu. Forte de 39 membres, civils et militaires, la «Commission de lutte contre la délinquance économique et financière» a été créée mi-mai par le nouvel homme fort à Niamey, le général Salou Djibo, qui s’est engagé à un grand ménage avant de rendre le pouvoir après la présidentielle de janvier 2011. Dans le collimateur: d’anciens députés ou ministres, des directeurs de sociétés publiques et jusqu’à la famille du chef de l’Etat renversé (1999-2010). Soupçonnés de détournement de fonds, l’ancien Premier ministre Seïni Oumarou, l’ex-ministre du Commerce Sala Habi et deux hauts fonctionnaires sont ainsi détenus depuis jeudi à la gendarmerie. La commission avait appelé M.Oumarou, président de l’ex-parti au pouvoir et probable candidat à la prochaine présidentielle, à rembourser quelque 270 millions FCFA (400.000 EUR) qu’il aurait, du temps où il était ministre du Commerce, détournés du Fonds de l’énergie créé pour subventionner le gaz domestique. Déjà mi-juin, un fils de l’ex-président, Hadia Toulaye Tandja, l’ancien ministre des Mines Mohamed Abdoulayi et deux autres personnes ont été écroués pour une affaire de vente de permis miniers remontant à l’ère Tandja. Depuis des semaines, la commission épluche des rapports d’enquête établis par des inspecteurs d’Etat, reçoit les personnes incriminées et leur notifie les sommes à rembourser. Selon son président Abdoul-Karim Mossi, qui est aussi un responsable de l’Association nigérienne de lutte contre la corruption (Anlc), dans la trentaine de dossiers en cours de traitement, il est question notamment de malversations dans des sociétés d’Etat, de la gestion de la mine d’or de Samira (ouest) exploitée par des Canadiens, de ventes frauduleuses de biens publics. «Il ne faudrait rien cacher aux Nigériens. Si vous trouvez mon nom, il faudrait le signaler. Personne ne viendra vous inquiéter», a lancé le général Djibo lors d’une récente visite au siège de la commission. Pour le chef de la junte, l’objectif de cette opération «mains propres» n’est pas d’«emprisonner» les fautifs mais d’obtenir la restitution du «bien de l’Etat». Pourtant, les mis en cause traînent les pieds. La commission a dit avoir recouvré au 9 juillet seulement 600 millions FCFA (900.000 EUR) sur plus de 4 milliards FCFA (6 millions EUR) recherchés. Elle n’a pas hésité récemment à publier dans la presse locale une liste de 200 personnes qui n’auraient pas intégralement remboursé des tracteurs qui leur avaient été cédés par la centrale d’approvisionnement. «Depuis que leur nom est paru dans la presse, beaucoup sont venus payer», glisse un agent du Trésor. La commission, qui peut désormais traduire les récalcitrants devant les tribunaux, «a les pleins pouvoirs pour réussir et l’incarcération de proches de Tandja est un signal fort», estime Ali Idrissa, d’une ONG locale anti-corruption. Mais le camp Tandja crie à la «chasse aux sorcières» et une figure de la société civile, Mamane Hamissou, ne croit pas à «cet ‘‘assainissement’’ ciblé». Certains craignent surtout qu’une fois les civils revenus au pouvoir, les dossiers sensibles ne soient enterrés. Ce fut le cas avec les commissions du même genre créées après les coups d’Etat de 1996 et 1999.

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