• Constitution nigérienne : Le sophisme à la sauce Tandja

    Sacré Albadé Abouba ! L’on pourra tout lui reprocher sauf qu’il ne défend pas par tous les moyens son maître, Mamadou Tandja. Il est d’ailleurs bien dans son rôle. L’on ne nomme tout de même pas ministre de l’Intérieur, le premier quidam venu. Les auditeurs de Radio France internationale auront remarqué mercredi dernier que le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et de la Décentralisation du Niger a usé de presque toutes les figures de styles, comme l’ironie, la satyre et surtout le sophisme, pour défendre son président sortant qui tient, vaille que vaille, à avoir une prolongation afin de « terminer ses chantiers ».

    Avouons que la mission du ministre était bien difficile. Disons cependant qu’il s’est plutôt tiré d’affaire. L’avocat français Jacques Vergès n’est pas seul. Il faut bien qu’il y ait des avocats du diable partout ! D’abord une illustration de l’ironie et de la satire dans son entretien avec Christophe Boisbouvier. RFI : M. Albadé Abouba, d’anciens alliés du président comme Adamou Djermakoye disent que, jusqu’à présent, Mamadou Tandja a fait un quasi sans fautes et qu’il a été le garant de l’unité nationale, mais que maintenant il va diviser le pays ?

    Albade Abouba : Je connais très bien le président Adamou Djermakoye. Il a de très grandes qualités. Et l’une de ses principales qualités aussi c’est de dire le contraire de ce qu’il pense. Quant au sophisme, à la sauce Tandja bien sûr, il y en a à profusion dans le chef d’œuvre de celui qui est l’œil et l’oreille du président. C’est le cas dans l’extrait suivant : RFI : Mais pouvez-vous dire qu’en annulant cette Constitution, il ne touche pas à celle-ci ?

    Albadé Abouda : Oui, mais on ne l’annule pas, on la remplace. Je crois qu’il y a quand même une certaine nuance. RFI : Est-ce qu’on ne joue pas sur les mots ? Albadé Abouda : Mais la Constitution en elle-même, c’est un ensemble de mots. C’est quoi d’autre si ce n’est donc du sophisme, cet artifice de langage qui permet d’élaborer un raisonnement qui apparaît comme rigoureux et logique, mais qui en réalité n’est pas valide ?

    Dans sa plaidoirie pour justifier la rallonge dont a besoin Mamadou Tandja avant de quitter la présidence nigérienne, Albadé Abouba a cité plusieurs réalisations : le barrage de Kandadji, l’exploitation du pétrole, l’uranium, le chemin de fer, le port sec de Dosso, la route industrielle, le deuxième pont de Niamey, l’exploitation du charbon à travers une centrale thermique, l’exploitation du ciment, du phosphate… Bref, il reste beaucoup à faire pour celui qui a pourtant régné dix années durant. Pourquoi pas la mise sur orbite du premier satellite nigérien pendant qu’on y est ?

    N’est-ce pas d’ailleurs prétentieux d’affirmer que l’on peut terminer les chantiers d’un pays ? C’est à croire que l’on serait dans une menuiserie où le travail d’un meuble non achevé oblige l’artisan à rester tard la nuit pour l’achever. D’ailleurs, si Tandja finissait tout le boulot, il y aura fort à parier que celui qui va un jour (quel jour ?) le remplacer va s’ennuyer fort.

    L’Hercule du pays d’Hamani Diori étant passé par là, le successeur n’aura d’autres choix que de se tourner les pouces. En attendant, fort du soutien de ses affidés et des membres du « Kazartche » (continuité en langue haoussa), le mouvement créé par ses partisans pour l’encourager à modifier la constitution, le président Mamadou Tandja continue son chemin. Malgré la forte opposition à son projet jusque dans son propre camp, il tient à aller au référendum.

    C’est la position de Mahamane Ousmane, président du parlement, principal allié de Mamadou Tandja, de Moumouni Adamou Djermakoye de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ANDP) et de plusieurs autres partis de la mouvance présidentielle - Rassemblement social et démocrate (RSD), l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, pro-touareg) et du Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP) qui se sont démarqués de son obstination.

    Pendant la course entre la France et la Chine pour abriter les Jeux Olympiques de 2008, un officiel du pays de Molière s’est aussitôt écrié, en ces termes, après le discours de Jacques Chirac : « Le Président a bien parlé ! ». Avec une voix douce, un membre de la délégation chinoise qui était à côté de lui a répliqué : « Votre président a bien parlé… Reste à savoir s’il a convaincu ». Quelques jours plus tard, le CIO confiait l’organisation des XXIXes Olympiades au Pays de Confucius.

    Dans la même veine, Albadé Abouba peut utiliser toute la rhétorique possible pour justifier la décision de l’actuel maître du Niger. Espérons seulement qu’il pourra, dans les années à venir, regarder droit dans les yeux la génération montante nigérienne et lui expliquer le bien-fondé de la cause qu’il défendait en 2009. Rien n’est moins sûr !

    Issa K. Barry

    l'observateur


     

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