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Actualités politique, économique et culturel de la communauté touareg.

NIGER : Crise politique ou nouvel épisode du drame africain

Disons-le tout net, le continent africain ne subit absolument qu’un drame et pas deux, le DRAME POLITIQUE. Et la convulsion nigérienne en est assurément une nouvelle illustration.

L’EPOUVANTE. 

Mamadou Tandja n’a pas raté sa sortie 

Nombreux sont les observateurs qui s’accordent à admettre que Mamadou Tandja a raté sa sortie. Que non ! Tandja n’a rien raté comme sortie, en ce sens qu’il ne se sera jamais singularisé par ces qualités d’homme d’Etat telles qu’il aurait en dix années de séjour à la tête du Niger, marqué d’un sceau indélébile l’histoire de son pays, par des actions de progrès social et de développement, aussi bien dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’énergie, de l’emploi,…, que sur le plan des infrastructures et réseaux de communication. En dix années, il en aurait au moins implémenté les jalons déterminants. Hélas, et nous le savons, sous les deux piteux mandats de Tandja, bien avant cette crise politique qu’il aura personnellement fomentée, le Niger n’aura pas montré autre chose que ces tares et tragédies dignes des classiques tropicaux. Pour la petite histoire, les deux quinquennats du despote auront été agrémentés des épices habituellement prisées des régimes tropicaux, dont corruption, gabegie, affairisme, clientélisme, trafic d’influence, népotisme, injustice, puis, chaperonnés de cette famine de 2005 qui aura étrillé un pays alors sinistrement arque bouté à la dernière place du classement mondial sur le développement humain des Nations Unies ; un classement sensiblement identique en 2008. Rien de moins !... Tant qu’à concéder une certaine conception "normalisée", les dix années de règne de Tandja riment assurément avec cette imposture qui a failli définitivement flouer les observateurs les moins avisés. 


S’il était encore l’ombre d’un doute, Mamadou Tandja vient d’administrer au monde entier une magistrale leçon sur le profil psychologique d’un dictateur tropical, ce personnage déconnecté de toute réalité autre que la sienne, et qui n’éprouve aucunement de respect pour son peuple, et surtout pas pour lui-même. Un cas d’école qui vient pour ainsi dire enrichir l’anthologie de la sagacité africaine dont on sait des plus garnies… Non, Mamadou Tandja n’a pas raté sa sortie ! Quand un individu [sorti de l’ombre à la faveur de la gâchette qui aura liquidé l’ogre Baré Maïnassara] peut ainsi avec froideur et désinvolture des plus implacables, violer et crucifier les institutions de son pays, je veux bien comprendre qu’il s’agit ici d’un simple accident malencontreusement intervenu au crépuscule d’un parcours dit jusqu’à lors digne d’exemplarité. Et c’est bien là que le bât blesse. 


Dans un continent en prise avec une sinistre dynamique de médiocrité, l’échelle d’évaluation ploie elle aussi fatalement sous les coups de boutoir des considérations colonialistes, celles qui voudraient que l’Afrique ne soient jamais à même d’accomplissements dignes de standards d’une humanité universelle, celles qui voudraient que l’humain africain, tel un personnage définitivement circonscrit, demeure dans la constante relativisation de ses propres lacunes et errements qui le confinent bien entendu aux bricolages et autres rafistolages et tripatouillages dignes des primitifs des temps modernes, sans évidemment la moindre portée décisive pour son présent et encore moins pour son futur. Et pour cela il jouirait pourtant de bons points de notoriété, et il en sera ainsi aussi longtemps qu’il s’accommoderait de la conception manichéenne qui l’accable à travers temps. Ainsi il ne vit pas mais il vivote, il n’agit pas mais il subit, il ne respire pas mais il soupire, dans son désastre dont il se complait "tout naturellement", et "c’est normal". Et là, c’est sûr, il aura échappé au statut de paria et il jouira comme c’est le cas, d’une reconnaissance qu’il n’aurait pas "normalement" espéré, exactement à l’image de congratulations que les champions de la morale adresseraient à un récipiendaire qui, après avoir ainsi assimilé les tenants et les aboutissants d’un ordre mondial plutôt fallacieux, admet définitivement et avec la plus profonde des convictions, que "un et un font trois". Bon sang ! 


Ainsi l’histoire voudrait, entre bien d’autres, que Bongo reste dans les mémoires comme étant ce grand homme d’Etat qui aura pendant plus de quarante ans su préserver paix et stabilité d’un pays qui, avec un million et cinq cents mille âmes à peine, reste des plus pauvres malgré sous-sol et sol admirablement garnis. Quant à l’homme fort du Niger, qui a dit-on failli réussir sa sortie, bricolages et autres rafistolages et tripatouillages auront duré presque dix ans, et encore ! 


Ainsi il n’y a de vrais opposants politiques que ceux des dictatures asiatiques, Aung San Suu Kyi par exemple. Ainsi Morgan Tsvangirai doit sa popularité internationale à la seule tendance anti-impérialiste de Robert Mugabe. Ainsi la déferlante de l’Occident [médias, politiques, intellectuels et autres citoyens] pour un soutien engagé en faveur de l’opposition iranienne, insinuerait que les élections ont toujours été d’une pureté digne de standards démocratiques en Afrique ! 


Une crise au grand parfum de Françafrique 

Brève d’histoire, et l’on s’y croirait à un hasard de calendrier ! Tenez-en : 

— En janvier, Areva [dont l’Etat français est actionnaire à 90%] conclut un alléchant contrat de trente ans avec le Niger pour le développement de la mine d’uranium d’Imouraren ; l’aboutissement d’une "négociation" qui aura duré deux ans, et qui aura vu le gouvernement nigérien abandonner la plupart de ses exigences déjà piteusement modestes. 

— En mars, Nicolas Sarkozy fait une brève visite au Niger et rabâche, comme en guise d’onction pour des visées dont il aurait naturellement pris date, un discours dans lequel il apporte un soutien assez clair et appuyé à son "homologue" tropical du jour ; un soutien à l’image de celui qu’il avait apporté peu avant au potentat congolais, à l’orée d’une farce électorale désormais consommée. 

— Le 4 mai, la première pierre de la mine est posée et, quelques semaines après, le Président Tandja se lance à corps perdu dans son projet de réforme constitutionnelle et, implacablement, dissout tour à tour Assemblée nationale et Cour constitutionnelle, sous les bouquets de protestations plus ou moins complices de la communauté internationale. 


Et dans ce foisonnement de protestations, allez donc chercher celle de la France !... Repu à l’image d’un anaconda géant qui vient d’engloutir âprement un capybara dans la vitalité de l’âge, le "chantre de droits et libertés humains" semble opportunément occupé à digérer sa "prise", préférant apparemment se faire représenter au prorata des 27 par l’Union [sacrée] Européenne, dont on connaît tout aussi l’art des gesticulations aseptisées quand il s’agit de protéger les intérêts d’un des siens. Et d’ailleurs, au cas où un malencontreux couac surviendrait, cela n’engage que Bruxelles, bien entendu. Au demeurant, le gouvernement français qui n’a pu cacher son embarras, a qu’en même fini par concéder à la dérobée quelques molles déclarations pour "s’inquiéter" des projets de Tandja, et demandera par la suite le retour rapide de la démocratie. Entendez ici, en jargon non diplomatique, l’accélération du processus antidémocratique en cours, lequel processus qui verra Tandja débouler en fin d’année toujours à la tête de l’Etat nigérien. Et dossier clos. On en parle plus. Et Tandja sera à nouveau fréquentable. Et il pourra alors se ménager sereinement une sortie plutôt prestigieuse, à la Bongo&Cie… Bon sang ! Où est donc tout au moins, la verve habituelle du funambule Bernard Kouchner tel qu’on l’a vu au sujet du Honduras, offrir l’un de ces récitals diplomatiques de haute volée dont il a assurément le secret, en même temps qu’il urgeait son ambassadeur à apprêter mallette et veste pour un long périple au bercail, bien entendu aux fins coutumières de consultations ? 


Quoi qu’il en soit, avec la mine d’Imouraren, Tandja peut se targuer et pour bien des années encore, d’être à la tête d’un pays qui représente un tiers des approvisionnements en uranium d’Areva et qui sera plus que jamais une composante majeure dans la stratégie de la sacro-sainte indépendance énergétique française. Une sorte d’immunité, sinon de carte de visite ! 


Une crise qui sonne le glas du mythe de la Constitution 

A chaque fois qu’un Président estime qu’il est l’homme de la situation, le mieux à même de préserver paix et que sais-je d’autre pour son pays, il y a là un signe tangible du mépris, de tout, et même du temps. En vérité il n’est pas de sentiment plus méprisable à l’endroit de son peuple que celui de s’estimer le mieux à même de conduire sa destinée. Et Tandja y va de sa partition. Il pense que sans lui le Niger ne peut avancer. Voila un "homme d’Etat" qui, après sa réélection en 2004, avait juré sur le Coran de ne pas toucher à la Constitution. La suite on la connaît désormais, limpide… S’il est un concept politique qui voudrait que la Constitution demeure un rempart contre les errements et folies des régimes tropicaux, eh bien, c’est raté ! L’ère du doute, si tant est qu’elle ait existée, est bel et bien révolue. Il n’existe plus de lignes rouges dans les bananeraies, et les Constitutions ou plutôt ce qui en tient lieu, riment désormais avec ces vulgaires textes décoratifs, tout autant perpétuellement assujettis à l’art exquis du saucissonnage tropical. Fatalement ! 


Ainsi l’épisode nigérien ne serait autre chose que l’un de ces avatars et autres sinistres péripéties dans la longue série de la dramaturgie qui semble établie à perpétuité sous le ciel des Tropiques. Et de fait, pendant que les Forces armées continuent à affirmer [à grand renfort de communiqués] leur caractère républicain et leur entière disponibilité à assurer leur devoir de sauvegarde des institutions de la République, le simulacre de référendum qui aura vu Tandja se ménager un score très soviétique se révèle être finalement très anecdotique. 


Et cependant, au cœur de la tragédie nigérienne, une bonne et si exceptionnelle note mérite d’être observée ! L’histoire retiendra en effet qu’au plus fort de la crise nigérienne, au sommet des exactions d’un illuminé gladiateur flanqué de ses autres renégats, un groupe de vaillants assermentés s’étaient dressés comme un seul homme en honneur à l’éthique et à la déontologie de leur profession, pour dire non au potentat. Et cela aura été au prix même de leurs carrières professionnelles. Dans l’absolu, aussi précis pouvait être mon jugement, il s’agit bien là de la différence essentielle que je peux observer entre le Niger et les autres bananeraies des Tropiques. L’une disposait d’une Cour, et les autres pas… Et c’est bien à ces dignes fils du Niger que vont mes considération et reconnaissance infinies, au moment où je termine ma modeste contribution. 


Badiadji Horretowdo 
Ecrivain/romancier 
badiadji_horretowdo@yahoo.fr 
© BH/août 2009 
Camerounlink.net,Douala
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