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Le président controversé du Niger a été déposé jeudi par un Conseil militaire, qui a décidé de mettre un terme à l’arrogance d’un homme que le pouvoir avait complètement aveuglé, au point de s’attirer les foudres d’une opposition interne et même de la communauté internationale.
A l’instar du Guinéen Moussa Dadis Camara, qui médite actuellement sur son sort à Ouagadougou, où il poursuit sa " convalescence", Mamadou Tandja va désormais devoir apprendre, hélas avec beaucoup de retard, que le pouvoir est un couteau à double tranchant. Quand on l’exerce dans la transparence, dans le respect des règles constitutionnelles et démocratiques, il procure du bien et de l’aisance à celui qui l’ incarne, et le peuple qui en est le véritable dépositaire, y trouve son compte. Mais quand on en abuse, que l’on s’érige en un dictateur ou que l’on se montre aussi sourd qu’un varan de la forêt équatoriale aux critiques de ceux-là mêmes grâce à qui, l’on se trouve propulsé au sommet de l’Etat, le pouvoir produit souvent l’effet boomerang, et le retour de la manivelle est tel un rideau de fer qui descend avec fracas.
A la tête du Niger depuis 1999, Mamadou Tandja avait cristallisé de nouveaux espoirs dans le cadre de la restauration du dialogue et de la démocratie dans un pays habitué aux coups d’ Etat, et dont celui de jeudi dernier a constitué le cinquième du genre depuis l’indépendance en 1960 de cette ex-colonie française et troisième producteur mondial d’uranium.
Ces espoirs retrouvés au sein de la population nigérienne ont été, hélas, brisés l’an dernier lorsque, à l’issue de son second mandat, M. Tandja a décidé de s’ accrocher coûte que coûte au fautueil présidentiel, malgré des promesses faites par ce dernier, plusieurs mois avant, de ne pas faire de la Constitution de son pays son marchepied. En effet, contre toute attente et malgré l’opposition de la communauté nationale et internationale, du reste unanime sur le respect des institutions mises démocratiquement en place à Niamey, le président a opéré un passage en force après avoir dissous le Parlement et la Cour constitutionnelle, et obtenu une prolongation de son mandat à vie, à l’issue d’un référendum boudé et boycotté par l’opposition sur une nouvelle Constitution. Même les sanctions infligées au Niger par l’Union européenne (UE), caractérisées par la suspension de son aide au dévéloppement et la mise en quarantaine de Niamey par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), n’ont pas réussi à persuader le terrible Tandja de revenir sur ses méthodes anticonstitutionnelles.
De fait, Mamadou Tandja se comportait désormais comme un Dieu à qui le confort de la fonction présidentielle et la perspective d’une embellie économique, caractérisée notamment par la récente découverte d’un gisement d’uranium au nord du pays, ont vite fait oublier que la tradition des coups d’Etat au Niger avait la vie dure. En effet, l’ancien militaire qu’il est se sentait si sûr de lui qu’il semblait avoir minimisé même les tracts exprimant un malaise qui avaient circulé ces derniers temps au Niger. L’on se souvient cependant que le général Moumouni, un proche du président Tandja, avait mis en garde les soldats contre toute tentative de remise en cause des institutions de la République.
Mais c’était visiblement mal connaître les intentions de ces derniers dont certains, au-delà de l’arrogance reprochée de manière quasi générale au chef de l’ Etat, auraient fait, selon certaines sources, le jeu des puissances étrangères pour protéger les intérêts de ces dernières. Dans tous les cas, l’éviction de Mamadou Tandja est vécue depuis jeudi dernier comme un véritable soulagement au Niger, où le calme est revenu après quelques heures d’incertitude quant au sort du président déchu. Et malgré le concert de condamnations qui ne cessent de tomber pour dénoncer le coup de force des militaires, parfois en guise de simple formalité, et réclamer le retour à l’ordre constitutionnel, une chose est sûre : le président Tandja était un géant aux pieds d’argile qui vient d’être broyé par un pouvoir kaki qu’il pensait contrôler. Cette situation, pleine d’enseignements, devrait pouvoir interpeller tous les chefs d’ Etat qui ont décidé de charcuter les Constitutions de leur pays pour se maintenir ad vitam aeternam au pouvoir contre la volonté populaire.
Il serait en effet illusoire de vouloir régler définitivement la question des coups d’Etat en Afrique aussi longtemps que ceux qui sont aux affaires n’auront pas compris la nécessité d’un renouvellement des intelligences par les voies démocratiques à l’issue d’une durée constitutionnelle. Car s’il est vrai que le vin se bonifie en vieillissant, cela l’est moins pour les êtres humains qui se déprécient au fil des ans. Des exemples sont légion, sur la scène africaine où des présidents octogénaires brillent par des dérives verbales, imputables selon toute vraisemblance à leur âge, et qui peuvent être lourdes de conséquences. Manifestement, nous sommes ici loin de la sagesse qu’ils auraient pu incarner et qui est symbolisée, heureusement, par des personnalités telles que le Sud-Africain Nelson Mandela. L’exception qui confirme la règle.
Il se trouvera donc toujours un homme, civil ou militaire, qui, en dépit des forces en présence et des condamnations de la communauté internationale, finira par prendre position à un moment donné en vue de mettre de l’ordre là où les choses vont mal. C’est le cas, de plus en plus préoccupant, de la Côte d’Ivoire, marquée ces dernières heures par des violences nées de la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI) par le président Laurent Gbagbo, qui n’incite guère à l’optimisme et laisse craindre des risques d’une nouvelle intervention du pouvoir kaki en vue de mettre un terme à l’illégalité constitutionnelle à la tête de l’Etat.
Par Idrissa Malo TRAORE Docteur en criminologie Ancien expert des Nations unies spécialiste en gestion des conflits
Le pays