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Actualités politique, économique et culturel de la communauté touareg.

Sarkozy en Afrique : coup de chaud à Niamey

Le hic, avec les visites-éclair, c’est que l’orage finit toujours par gronder. Ce vendredi, à l’instant même où le président français s’engouffre dans le salon de l’Hôtel Gaweye de Niamey, les Sarkologues frémissent. Car le locataire de L’Elysée, qui déteste tant la chaleur, présente tous les symptômes de la surchauffe. Visage figé, sourire factice, maxillaires saillantes.

D’ailleurs, l’affaire semblait d’emblée mal engagée. Le ring de la "table ronde" sur l’Initiative pour la transparence des industries extractives est on ne peut plus carré. Quand on vous dit que concilier pactole minier et refus de l’opacité relève de la quadrature du cercle...

Tandis que s’étire le propos liminaire du chef du gouvernement nigérien, Seyni Oumarou, Sarko trompe l’ennui à sa façon. La tête ailleurs -mais où, diable ?-, crispé, il réduit en charpie un bout de papier, balaye les confettis d’un revers de la main, croise et décroise les doigts. Et fusille du regard les retardataires, quand il ne feint pas de les ignorer.

Dans l’ordre d’apparition en scène, Anne Lauvergeon, patronne du géant nucléaire Areva, venue fêter ici la signature, le 5 janvier dernier, d’un accord crucial, Rama Yade, puis Brice Hortefeux, arrivé quant à lui hors-délai. Un gage chacun.

D’un geste excédé, l’hôte du Niger invite les cerbères du service d’ordre à refouler la meute des reporters occupés à mitrailler la scène. Puis interrompt sèchement l’envolée lyrique de son vis-à-vis. "Excusez-moi, Monsieur le Premier ministre. Ah non, ils ne comprennent rien. Laissez les journalistes ! Mais les photographes, franchement... Ca n’amène rien ! C’est peut-être pas obligatoire de nous faire tant de photos, toujours les mêmes. Pardon. Je vous écoute."

Suit la séquence gouaille. S’agit-il de détendre l’atmosphère ainsi lestée ?

"-Entre Paris et Niamey, des malentendus, y’en avait, hein !, lance le chef de l’Etat à l’infortuné Oumarou. Je m’trompe ?

- Non, Monsieur le Président." Ouf.

"C’est toujours comme ça sur la fin des voyages, confie un familier du barnum élyséen. Il sent l’écurie." La loi des séries : un ventilateur, amené à la hâte et dont le ronflement affole la cohorte des conseillers, vient de chuter lourdement. Au moins, cet impromptu arrache-t-il à Nicolas Sarkozy un rictus amusé.

Vient le moment où le chef de l’Etat convoque ses punching-balls habituels. Haro sur les "projets pharaoniques que seuls les technocrates de chez moi peuvent imaginer". Reste que cette fois, Nicolas Ier épargnera les diplomates, autres souffre-douleurs favoris.

Quatre heures chrono, ce n’est pas une visite, mais une escale technique

A l’instant de conclure, bref retour sur l’éviction des photo-reporters. "Bon, ils ont sans doute loupé un cliché historique, ironise Sarkozy, mais au moins, on a respiré un peu mieux."

Autant dire que sur les rives du fleuve Niger, mastodonte assoupi, on se souviendra longtemps du bref passage de l’homme pressé. "Vu d’ici, quatre heures chrono, ce n’est pas une visite, mais une escale technique, grince Maman Abou, directeur général de la Nouvelle imprimerie du Niger et analyste avisé. Pour la plupart de mes concitoyens, votre Sarko est venu faire le plein de son avion sur la route du retour."

Pour autant, s’il est un Nigérien ravi de cette venue, c’est bien le président Mamadou Tandja. "Pour lui, c’est tout bénéfice, avance l’éditeur de presse. Son intransigeance paye. Après avoir accusé Paris de tous les maux, il met la France au pas et Areva à genoux, dictant grosso modo ses conditions. Cerise sur le gâteau, Sarkozy vient chez lui. Ce qui ne l’empêche pas de distribuer les permis de recherches miniers à ses amis chinois. A eux le deuxième pont de Niamey ou la future raffinerie de Zinder (centre-sud)".

Et l’uranium du Niger ?

Quant au fameux site uranifère d’Imouraren, conquis de haute lutte par le géant nucléaire tricolore, son exploitation à l’horizon 2012 ne sera pas de tout repos. D’autant que le régime Tandja peine à réduire la rébellion touarègue du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ).

"Sans issue politique, que Niamey récuse, difficile d’isoler les bandits des authentiques militants. Et impossible d’assurer la sécurité de l’extraction. Il suffit de trente types armés et motivés pour mettre le bazar. Et croyez-moi : malgré les scissions et les dissidences, le pouvoir n’est pas prêt d’anéantir le noyau dur des insurgés." A l’heure où, sur les berges du Niger, les ombres s’allongent, on sacrifie à l’ultime rituel des raids présidentiels : la conférence de presse finale. Quatre questions, pas une de plus, tel est le tarif. Deux pour la presse locale, deux pour les médias français. Sans doute Sarkozy aperçoit-il au loin les lueurs de "l’écurie". Il excelle dans cet exercice, quitte à donner du "Mamadou" à son voisin de tribune, formule un rien familière.

On apprendra au passage que ledit Mamadou -Tandja- ne bricolera "jamais" la Constitution du Niger pour briguer un troisième mandat. Mais que, au fond, si le peuple et l’Assemblée nationale l’implorent de prolonger le bail de trois ans, histoire d’achever les chantiers engagés...

On apprendra aussi, de la bouche de Sarko cette fois, que la France tient à "reprendre toute sa place en Afrique, mais sur de nouvelles bases". Acceptons-en l’augure, dès lors que la tiédeur du soir qui tombe invite ici à la mansuétude.

On apprendra enfin que Paris prétend instaurer avec Niamey un "partenariat stratégique de long terme". Hélas, à l’heure de prendre congé, les deux présidents cèdent aux attraits frelatés du jargon des "winners". Ce sera, jurent-ils, du gagnant-gagnant. Ce qui hélas, dans le désordre du monde, s’apparente au gaga-gnangnan.
L'express 

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