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Actualités politique, économique et culturel de la communauté touareg.

Hommage à Kalakoa, le touareg inconnu

C’est une « bavure » de ce genre qui s’est produite, un jour de l’été 2007. Et aucun journal télévisé de France ni de Navarre n’en a parlé. Je l’ai appris, moi-même, grâce au « Requiem pour un nomade » du reporter Michael Stuhrenberg, en feuilletant, par hasard, le n° d’octobre 07 du magazine Géo. Les crimes furent perpétrés au Niger *, pays pauvre parmi les plus pauvres. Mais pays dont le sous-sol est riche en uranium ! 


Kalakoa, paisible nomade touareg, et deux autres Kel Tadele ** abreuvaient chèvres et chameaux au puits de Tezerzait. Les trois vieillards – dont un aveugle et un octogénaire ! – se retrouvent vite encerclés par pas moins de cent soldats nigériens. Considérés aussitôt comme des « poseurs de mines » – ils n’ont pourtant rien de rebelles – tant pis : après deux jours de brimades et de corvée d’eau, ils seront froidement égorgés. Puis découpés en morceaux : folie, sauvagerie ou volonté de « faire un exemple » ? Enfin, les soldats les enterreront sommairement autour de ce même puits. 


Kalakoa et ses compagnons d’errance auraient pu être arrêtés. 

La soldatesque était en nombre suffisant… Non. Kalakoa est mort. 

Sans comprendre. 

Sans autre forme de procès. 



***


Je dessine ton portrait, 

et ton regard hante mes nuits d’Européen sédentaire. 

Moi qui vis auprès de com-patriotes toujours prompts 

à glorifier NOS militaires, quand ils défilent 

aux côtés de Bechar el Assad, ce 14 juillet, par exemple. 

Prompts à pleurer NOS morts en Afghanistan. 

Ou à vendre, via le VRP Sarkozy, nos centrales nucléaires (si friandes d’uranium) aux dictateurs… 


Kalakoa. J’écris pour esquisser un tombeau de papier 

dans le désert du Niger ; un tombeau 

à ta mémoire, ô touareg inconnu ! 

Les mots s’ensablent… Qu’importe ? 

Je t’élève ce tombeau de poussières, de mots nomades, 

en toute fraternité [arrachée à notre devise républicaine]. 


Afin que mon poème soulève le voile de ton chèche, 

découvre ton martyr imbécile, monstrueusement inutile. 

Dans l’espoir que les vers reconstituent tout ton être 

dans sa plénitude, parmi Dakoye, ta femme, et vos neufs enfants. 

Pour que ton portrait d’homme au regard droit, nomade, 

éclaire d’un sourire cet univers mondialisé 

qui se fout de la paix, de la nature, de la vie… 

comme de son premier crash boursier ! 


Kalakoa, mon frère d’âme, je te parle avec chaleur, 

et souhaite ainsi que nul/le n’ignore le froid du métal 

réglementaire et militaire qui s’abattit sur toi ; 

s’abat encore et toujours sur tes semblables : 

Afghans ; Boliviens ; Irakiens ; Kabyles ; Palestiniens ; 

Tchétchènes ; Tibétains ; Touaregs… 

au nom du terrorisme d’Etat 

qui ne fait pas de détails 

dans sa boucherie légale 

sponsorisée par les industriels *** 

avec l’aide des commis voyageurs 

de nos irréprochables pays « développés » 

pour qui une vie humaine ne vaut pas cher, 

pour qui seuls comptent les marges bénéficiaires, 

la croissance positive, le profit maxi… 


Kalakoa, quel poète, quel naïf a écrit : 

« Le crime ne paie pas » ? 


* * * 


Les soldats qui vous ont assassinés, et le Président Tandja qui les en a chargé, et s’en est félicité, croient-ils vraiment que, en massacrant trois vieillards désarmés, ils vont réussir à intimider les rebelles du MNJ ? Croient-ils ainsi pouvoir décourager toute tentative de résistance ? Les vrais rebelles, arrivés peu après sur les lieux du massacre, ont attaqué les soldats restés sur place pour se repaître des chameaux de Kalakoa. Cet accrochage fit 15 morts et 43 blessés… 


Pour que nul n’en ignore, 

pour que nos étranges affaires étrangères 

chères à Kouchner 

ne se drapent pas davantage dans le cynisme 

de la « real-politique », 

pour qu’aucun autre crime impuni 

ne vienne rougir l’ehan **** d’aucun nomade, 

pour que ton sacrifice absurde ne se reproduise, 

Kalakoa ; 


j’ai essayé, moi, petit blanc de France, 

de dire devant ta tombe que la bonne conscience 

des néo-colonialistes, 

qu’ils soient Américains, Chinois, Russes 

ou Européens, n’est pas plus soluble 

dans l’eau du lac Leman, sis Genève, 

que ne l’est le sable du désert nigérien 

dans le sang d’innocents. 


* * * 



* classé par les Nations unies 177ème sur… 177 ! 

** membres d’une tribu touareg 

*** de type AREVA, Bouygues, BP, Dassault, Monsanto, Total… 

**** tente, dans la langue des Kel Tadele 


Source: http://evazine.com/

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