Actualités politique, économique et culturel de la communauté touareg.
Le Vieux Colonel Tandja pensait pourtant avoir tout prévu. Entré lui-même en politique en participant au renversement du premier Président nigérien Hamani Diori en 1974, ancien ambassadeur au Nigéria, ancien ministre de l’Intérieur, Mamadou Tandja est porté démocratiquement à la tête du Niger aux élections de 1999, consécutives à l’assassinat, sur le tarmac de l’aéroport de Niamey, du président putschiste Ibrahim Baré Maïnassara. Réélu légalement en 2004, il aurait dû, selon la Constitution limitant à deux le nombre de quinquennats présidentiels, se retirer en décembre dernier.
Las ! L’homme a pris goût au pouvoir et n’entend pas mettre fin àune dérive autocratique notamment marquée par une inflexible répression de la rébellion touarègue, dans le nord désertique du pays. Pragmatique, il sait jouer de son principal levier, les gigantesques gisements d’uranium que recèle son sous-sol, convoité par le français Areva et par la Chine. En concédant début 2009 la mine d’Imouraren à Areva, Mamadou Tandja s’attire les bonnes grâces de Paris. Il sait pouvoir compter sur la complaisance de l’ancienne puissance coloniale, dont le tiers des importations d’uranium nécessaires à son parc électronucléaire proviennent du sahel nigérien, à l’égard des initiatives qu’il s’apprête à prendre pour se maintenir au pouvoir…
de g. à d., Anne Lauvergeon, Pdte d'Areva, le ministre nigérien des Mines, Rama Yade, et Christine Lagarde
Moyennant la dissolution de l’Assemblée Nationale et de la CourConstitutionnelle, hostiles à ses projets, il obtient au mois d’août une révision de la Loi Fondamentale qui lui permet de prolonger son mandat de trois ans. La business politik ayant raison des principes, la communauté internationale condamne, mais ne bouge pas… Le coup d’Etat constitutionnel semble réussi…
Mais dans un pays habitué aux changement de régimes par la force(au moins trois coups d’Etat militaires en cinquante années d’indépendance), et où la garde présidentielle n’a pas hésité à assassiner son commandant en chef, le général Baré en 1999, c’était sans compter sur le mécontentement de la soldatesque…
Jeudi, les militaires putschistes se sont doncemparés du palais présidentiel, suspendant les institutions et la Constitution d’août 2009. Fait prisonnier, Mamadou Tandja serait actuellement en route pour le Maroc tandis que la junte désormais au pouvoir, « le Conseil suprême pour la Restauration de la Démocratie », qui a reçu aujourd’hui le soutien de milliers de manifestants épuisés par la dictature, annonce vouloir la tenue d’élections démocratiques.
Soulagées d’être débarrassées du chantage aux matières premièresdu Président déchu, la France et la communauté internationale n’en restent pas moins prudentes. L’exemple guinéen rappelle la précarité des bonnes intentions affichées par une junte putschiste à son arrivée au pouvoir.
Or, outre l’aspect crucial des ses gisements d’uranium, dont il est letroisième producteur mondial, le Niger se situe au cœur d’une zone stratégique du point de vue de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme international. Il appartient en effet à l’arc de crise sahélien, qui s’étend du Mali au Tchad, où les activités d’Al Qaeda au Maghreb Islamique se développent, à l’image de l’enlèvement du touriste britannique exécuté à l’été 2009, et de l’humanitaire français Pierre Cammate, en novembre dernier.
Sur fond de vacance du pouvoir et de tensions au Nigéria voisin,l’évolution de la situation et le respect de ses engagements par la junte n’en seront que plus surveillés par des chancelleries occidentales soucieuses de la stabilité du Niger, garante de leurs intérêts stratégiques et économiques dans la région…
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