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Une délégation d'officiers algériens a séjourné, en début de cette semaine à Bamako, à quelques jours du deuxième round de négociations qui s'ouvre en principe aujourd'hui même entre le gouvernement malien et les groupes de bandits armés à Alger. Elle a eu une séance de travail avec le président de la République, mardi dernier, juste après celle tenue au ministère de la défense et des Anciens combattants, avec des officiers maliens. En l'absence du moindre communiqué officiel, beaucoup d'observateurs s'interrogent sur le séjour de ces officiers algériens au Mali.
A l'analyse, cette visite pourrait augurer de la mise en œuvre des dispositions que l'Algérie vient de prendre à l'égard de son voisin du sud. Il y a quelques temps, en effet, les autorités algériennes, qui avaient eu à suspendre leur médiation dans le conflit du nord malien, avaient pris la décision de reprendre ledit dossier et de s'impliquer pour la résolution sinon définitive du moins durable de la crise du nord. L'implication de l'Algérie dans ce dossier est importante à plus d'un titre. D'abord, ce pays a régulièrement servi de médiateur dans les différents conflits entre autorités maliennes et groupes touaregs, mettant très souvent son territoire et des moyens pour les négociations entre les deux parties. On se rappelle que suite à l'attaque des garnisons de Kidal et Ménaka, c'est l'Algérie qui a été choisie par l'Alliance du 23 mai et le gouvernement malien pour la signature de l'Accord d'Alger.
A cette occasion déjà, le médiateur avait promis au Mali de s'investir pour l'exécution de certains points. Il s'agit notamment de la constitution d'un fonds spécial pour la résorption du chômage des jeunes de la région de Kidal avec une mise initiale de plus d'un milliard de FCFA, et de la formation de plusieurs centaines de militaires grâce aux financements et à l'expertise algériens.
Ces militaires sont destinés à la constitution des unités spéciales et à l'Armée nationale. Depuis, si l'Algérie s'est exécutée sur certains points, elle s'était montrée réticente à poursuivre son implication directe. Dans le même temps, les groupes de bandits armés ont multiplié les actes de banditisme et de terrorisme, amenant les autorités maliennes à adopter un nouveau mode opératoire. Il s'agissait, dès lors, de laisser l'initiative des opérations à l'Armée, tout en continuant à rechercher le retour de l'Algérie dans la médiation. Or, ce qui ne souffre d'aucune contestation, c'est que ce pays peut contribuer de manière radicale à faire avancer le règlement du dossier du nord malien.
Toutefois, son action ne serait pas pour le seul bénéfice du Mali. En effet, ce qu'il convient pour les deux pays de conjurer, c'est la situation exceptionnelle qu'ils vivent de part et d'autre de leurs frontières. Le constat est vite fait que les appareils d'Etat de ces deux pays n'ont pas une maîtrise suffisante de leurs territoires respectifs, notamment le nord malien et le sud algérien. Territoires qui sont livrés, depuis plusieurs années, à des pratiques de terrorisme, de contrebande et de trafics d'armes de guerre ou légères et de stupéfiants, de la part, notamment, des groupes islamistes armés algériens, de bandits armés touaregs, de mercenaires nigériens, tchadiens ou d'autres nationalités, etc.
Une activité multinationale et transfrontalière qui confère à ces territoires la qualité de zone de non droit et qui, de ce fait, nécessite une coopération plus permanente et plus structurée. En l'occurrence, l'Algérie et le Mali ont signé depuis 2001 un accord de coopération militaire et technique qui définit un cadre partenarial pour la formation militaire, le recyclage des personnels, l'assistance technique et des rencontres de concertations périodiques (biennales). Si ces activités se sont déroulées avec plus ou moins de régularité, il est devenu nécessaire pour les deux pays d'aller au-delà.
Ainsi, les présents travaux devraient-ils aboutir à la planification et à la mise en œuvre de nouvelles actions tendant à solutionner les problèmes sécuritaires. Il s'agit de l'organisation de patrouilles mixtes, conjointes et simultanées des deux côtés de la frontière, de l'autorisation de poursuites hors frontières, de partages des informations et renseignements opérationnels relatifs aux mouvements des bandits, terroristes et rebelles, de soutiens mutuels aux forces engagées. Pour l'adéquation des moyens de transmission, de transports de troupes et de reconnaissance, l'Algérie pourrait appuyer le Mali en le dotant de nouveaux matériels. En outre, les deux pays pourraient s'engager à créer des cadres de concertations entre les commandements opérationnels de zones installés de part et d'autre de la frontière. Sera-ce suffisant ? Rien n'est moins sûr.
En prenant la décision, après avoir consulté son homologue algérien, d'organiser une conférence sous régionale sur la question sécuritaire dans la bande sahélo saharienne, le président de la République a reconnu la nécessité d'aller au-delà de son pays et de l'Algérie, et d'associer d'autres nations comme le Niger et la Mauritanie, deux pays avec lesquels le Mali partage des frontières tout autant poreuses que celles d'avec l'Algérie, et qui connaissent également des revendications identitaires dues, pour la plupart, au sous-développement. L'accord de partenariat, pour prendre le problème en charge, ne devrait-il pas s'élargir aussi à ces deux pays, de manière à constituer une sorte d'organisation sous-régionale sur le même modèle que certaines qui existent déjà ? Cela aura le mérite d'initier une synergie d'actions et de moyens, et de limiter la propension de certains pays à prendre des décisions qui ne peuvent que déstabiliser d'autres.
A la lumière de tout ce qui précède, il s'agira pour les Algériens d'apporter aux Maliens, toute la preuve de leur engagement à solutionner définitivement la crise au nord du Mali. En effet, le Mali attend de son voisin qu'il ne serve plus de base de repli aux différents groupes armés qui sévissent dans le septentrion.
CHEICK TANDINA
L'Aube du 17 juillet 2008