• URANIUM/EXTENSION DES CARRIÈRES À ARLIT La société civile locale dénonce des manquements

    Le groupe AREVA s'apprête à exploiter, dans la région d'Agadez, les gisements d'uranium d'Imouraren dont la production est estimée à 5000 tonnes par an sur une période de 35 ans. La mise en route de ce mégaprojet propulsera le Niger au deuxième rang mondial des pays producteurs du yellow cakes, si l'on y additionne les productions cumulées de la Somaïr et de la Cominak qui s'élèvent à 3800 tonnes/an.

    Les investissements et réalisations annoncés dans le cadre du nouveau projet sont considérables. On avance les chiffres de 1,2 milliards d'euros d'investissement initial, environ 1400 emplois directs et 3000 indirects, et des réalisations dans les domaines sociaux (santé, éducation, transport, ac-cès à l'eau potable et à l'éner-gie) de l'ordre de 6 millions d'euros par an. A cela viennent s'ajouter les nouvelles ressources financières au profit de l'Etat, qui détient 33,35% du capital de la société exploitante qui sera créée. Si ces perspectives heureuses qui s'annoncent pour le pays enchantent les autorités ni-gériennes, les populations locales, elles, attendent pour juger sur pièces.

    A cause notamment de l'ex-périence malheureuse d'Arlit dont elles demeurent les principales victimes. Là bas, en effet, AREVA continue de faire à sa tête, sans se soucier, outre mesure, de leurs préoccupations, selon Almoustapha Alhacen, coordonnateur de la société civile d'Arlit. Ces préoccupations ont pour noms : accès à l'eau potable, routes bitumées pour amoindrir les effets de la poussière radioactive, site de maraîchage pour permettre aux populations d'accé-der à des légumes sains et frais, embauche des jeunes de la lo-calité confrontés au chômage et à la délinquance. «Ces différen-tes préoccupations ont été soulevées à l'occasion des audiences publiques organisées en 2006, en prélude à la mise en valeur des gisements d'Afasto-Ouest, Artois-Tabélé, Tamgak-Taossa et lixiviation Somaïr. Mais elles n'ont malheureusement pas été prises en compte dans le cahier de charges», affirme Alhacen. Qui dit d'ailleurs ne pas comprendre ces extensions, en l'absence d'une étude d'évalua-tion. Devant cette situation, la société civile d'Arlit a saisi le ministre de l'Environnement, à travers une correspondance officielle. Ce dernier «a pris l'engagement de mettre en place un cahier de charges et un comité de suivi et évaluation». Selon Alhacen, le comité a été mis en place en janvier dernier, mais le problème du cahier de charges qui n'a pas intégré les aspirations des populations locales reste toujours entier. Pour lui, ce manquement constitue une préoccupation majeure pour les 120.000 habitants d'Arlit, scandalisés par l'attitude des responsables d'AREVA, qui refuse de les écouter.

    «Nous avons sollicité une audience avec la présidente du directoire d'AREVA pour lui exposer nos problèmes afin qu'on puisse se comprendre sur ce que nous entendons par développe-ment durable. Malheureusement, elle n'a pas voulu nous rencontrer», déplore Alhacen, qui poursuit : «Nous avons voulu privilé-gier la voie du dialogue. Comme ils refusent cette option, nous serons dans l'obligation de faire la lutte en usant de tous les moyens légaux en notre possession pour la faire aboutir. Nous allons nous mobiliser pour amener ces gens à nous écouter», promet-il. Une dynamique qui est apparemment déjà engagée, à travers la déclaration publiée en janvier dernier, par la société civile d'Arlit pour déplorer les conditions de vie précaires des populations d'Arlit, dénoncer le comportement d'AREVA et interpeller les cadres nigériens évoluant dans le circuit quant à leur devoir d'observer «un comportement citoyen». La déclaration appelait aussi «les jeunes de la région d'Agadez à se départir de la délinquance, du vol et des autres pratiques malsaines pour venir postuler aux emplois qu'offre Imouraren à tous les citoyens». Le coordonnateur de la société civile d'Arlit insiste beaucoup sur ce dernier point. Et il a des arguments pour défendre sa position.

    «Arlit a 40 ans et durant cette période, nous avons fait des enfants. Malheureusement, l'administration d'AREVA est restée dans des anciennes traditions. Aujourd'hui encore, le comité de recrutement est basé à Niamey, alors que le travail se fait à Arlit. Il se trouve que nos enfants ont grandi, mais n'ont pas de travail. AREVA nous dit qu'il faut être bachelier pour conduire un engin. Pourtant, les anciens conducteurs n'ont jamais été à l'école», justifie-t-il, déplorant aussi le recours à des expatriés africains pour les besoins de la formation des agents. Comme pour montrer l'ampleur de la délinquance à Arlit engendrée par le fort taux de chômage des jeunes, Alhacen étaye ses propos par cette anecdote : «Nos enfants ont eu à tuer quelqu'un pour un paquet de sucre. Actuellement, ils sont en prison. Je n'ai pas honte de le dire et de le répéter, ce meurtre est la conséquence de la flambée de la délinquance à Arlit».

    En dehors de l'emploi des jeunes, il se dit aussi très préoc-cupé par les éventuels impacts sociaux environnementaux, con-sécutifs à la mise en valeur d'Imouraren. «Par rapport au nouveau projet, ma préoccupa-tion principale, c'est d'abord le déplacement des populations locales parce que c'est une zone de nomadisme. Il faut recaser ces gens qu'on va faire déplacer. Il y a aussi les impacts environnementaux, car comme vous le savez, à Imouraren, ils vont concentrer l'uranium à 80%. Ça veut dire qu'ils vont nous laisser plus de déchets, plus de ra-dioactivité. Il faut donc engager une vaste campagne de sensibilisation contre ces dangers», pré-conise Almoustapha Alhacen.

    Le Republicain 

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