• TANDJA ET LA TENTATION DU 3e MANDAT : On a parfois honte d’être Africain

    TANDJA ET LA TENTATION DU 3e MANDAT : On a parfois honte d’être Africain
    Le président nigérien, Mamadou Tandja est irrésistiblement tenté par un troisième mandat à la tête de l’Etat. Devant cette triste réalité, il est loin d’avoir le soutien entier de son peuple divisé sur le choix de sa candidature pour se succéder une fois de plus à lui-même. Récemment encore, une foule de manifestants a arpenté les rues de Niamey pour s’insurger contre une éventuelle modification de la Constitution qui permettrait à Tandja de s’ouvrir encore les voies de la présidence. Même si l’issue de leurs gesticulations, récriminations et jérémiades paraît incertaine, il faut déjà saluer leur courage.

    Leur mérite est d’autant plus grand que, sous les cieux africains, les réactions populaires destinées à s’opposer aux tripatouillages des Constitutions, dans leur aspect délicat de la limitation des mandats présidentiels, sont bien souvent molles, voire inexistantes. Généralement, le peuple laisse ou finit par laisser faire, renvoyant à l’extérieur l’image d’une Afrique qui n’a pas d’opinion. Pour revenir au Niger, après le tohu-bohu qui a empli les rues de la capitale, Mamadou Tandja se trouve à présent mal à l’aise pour dire qu’il a entendu la voix de l’écrasante majorité du peuple l’appelant à rempiler. Mais la société civile nigérienne n’est pas seule à mener le combat. Car, une troisième candidature du président ne fait pas l’unanimité même dans son propre camp.

    Et ce n’est pas l’opposition politique ni la rébellion du MNJ, qui viendraient à lui donner un blanc-seing. Trois pôles de résistance pourraient donc se dresser contre Tandja : une aile de son propre parti, l’opposition dans son ensemble, et la société civile. C’est dire que la reconquête de la présidence ne sera pas, pour le colonel à la retraite, une partie de plaisir. Mais de là à affirmer que toutes ces composantes pourraient l’empêcher de s’accorder un troisième bail, c’est un pas qu’il faudrait se garder de franchir. On peut croire au contraire qu’il fera tout pour passer en force. Il se sera en tout cas, débarrassé d’un adversaire de taille, en l’occurrence l’ancien Premier ministre, aujourd’hui incarcéré, dont le plus grand péché est d’avoir rêvé d’être calife à la place du calife.

    Assurément, l’éviction de Hama Hamadou n’aura été qu’une étape sur la route de la préservation du pouvoir de Tandja. Ce travail fait, il y a fort à craindre que le dirigeant nigérien utilise, comme cela se fait généralement sur le continent, le raccourci de l’Assemblée nationale pour se remettre dans la course. Quoi qu’il en soit, on peut se féliciter que le Niger reste dans la logique de pays aspirant à la démocratie, à la lumière des diverses manifestations visant à mettre Tandja en garde. Il n’ y a vraiment rien d’étonnant à cela, la société civile nigérienne ayant à plusieurs reprises montré son dynamisme et sa pugnacité. N’est-ce pas grâce à elle que le premier front social sous-régional s’est constitué pour s’insurger contre les effets de la vie chère ?

    Si les Assemblées nationales, en zone francophone surtout, se plient généralement aux gargantuesques appétits "pouvoiristes" de certains chefs d’Etat africains, il reste que la démocratie sous les tropiques africains, est frappée d’une espèce de péché originel, qui la condamne à l’état d’errance et de nanisme. Un péché qui a pour nom régime présidentiel fort concentrant tous les pouvoirs entre les mains du chef qui peut, dans ces conditions, tout se permettre. Ce type de régime porte forcément les germes du pouvoir absolu s’il ne renforce les instincts "pouvoiristes" enfuis en ces dirigeants. A vrai dire, on leur aura beau trouver les plus belles tenues "démocratiques", ils se retrouveront toujours mal fagotés, démocratiquement parlant, parce qu’ils n’auront pas pu résister à la tentation de retourner à leur marigot nauséabond de la dictature.

    Contrairement à l’Afrique, en Occident, chaque électeur a une claire conscience des enjeux d’une consultation électorale. Dans ces pays du Nord, les mécanismes pour limiter les dérives du pouvoir existent, mais en plus ils fonctionnent bien. Ces pays n’ont rien de comparable avec le continent noir où on est facilement porté au pouvoir pour un sac de riz, une tine de maïs ou quelques petits billets de banque distribués à des populations affamées. La misère et l’analphabétisme, ce sont là des terreaux fertiles pour le maintien aux affaires de bien des dirigeants assurés de rester au pouvoir, autant d’années qu’ils le souhaitent, tant que les populations seront toujours confrontées à la misère et aux ténèbres de l’obscurantisme. On voit mal des populations, en Occident, organiser des marches pour demander à un président arrivé au terme de ses deux mandats, de se présenter à nouveau pour un autre bail.

    Sur le continent noir, c’est tout ce qu’il y a d’ordinaire. Et avec tout cela, l’Afrique veut qu’on la prenne au sérieux, et veut avoir le respect de ses partenaires occidentaux. On les voit déjà rire sous cape, en voyant tous ces pays africains rester dans leur statut peu glorieux de républiques bananières. Tous ces Africains soucieux de l’image du continent ne peuvent éprouver autre sentiment que celui de la honte. Comment sortir l’Afrique du terrible ghetto dans lequel la plongent chaque jour davantage ses dirigeants ? Il n’y a pas d’autre solution : le seul salut qui vaille, c’est l’éducation à très grande échelle des jeunes générations.

    "Le Pays"

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