• Tamikrest: "On vit mieux chez nous"

    J’ai découvert votre mode de vie. Pour un Européen, c’est bien. Pour un nomade comme moi, c’est difficile. Il y a des machines partout alors que chez nous, on fait tout à la main. Dans les grandes villes, j’ai regretté le manque d’espace. Même à Bamako ou à Alger, c’est dur pour moi. A Kidal ou à Tamanrasset, ça va. En 2010, j’ai passé quatre mois en Europe. Heureusement, je n’ai jamais été seul, mes amis étaient là pour me guider. J’ai un peu compris comment fonctionne votre civilisation mais je me suis surtout concentré sur la musique.

     

     

    En Europe, ça ne suffit pas d’être musicien, il faut aussi être professionnel. Dans les festivals où on a joué, j’ai un peu d’expérience. Je n’ai pas trop eu l’occasion de parler avec des musiciens, mais j’ai fait énormément d’interviews et ça m’a beaucoup plu. Je pense qu’on a compris le message que je voulais faire passer. Après, je sais que ça ne dure pas, ça se fait progressivement.

    Je ne comprends pas les clandestins

    J’ai été bien accueilli en Europe parce que j’avais une raison d’y aller : la musique. J’avais mes papiers, je n’ai jamais eu de problèmes. C’était plus compliqué de sortir d’Afrique. Obtenir les visas, c’est fatigant. Il manque toujours un papier, une photo. Je ne comprends pas les clandestins qui traversent le désert et l’océan pour aller vivre en Europe. Sans domicile, sans emploi, ça doit être compliqué. On vit mieux chez nous.

    Je suis retourné à Kidal au Mali en septembre et en octobre pour répéter avec le groupe avant l’enregistrement de notre deuxième album. On a eu deux mois pour composer de nouvelles chansons et le préparer, c’était court. On est retournés dans le studio de Bamako où on avait enregistré la première fois, mais le matériel qu’on avait utilisé ne fonctionnait plus. On a improvisé avec les moyens du bord mais ça m’a déstabilisé. On fera le mix et le mastering en janvier.

    J’étais en Europe au moment de la prise d’otages au Niger (sept employés d’Areva, enlevés le 16 septembre – ndlr). Je crois que les Maliens savent où sont les islamistes. Ils disposent d’une puissance militaire mais ne cherchent pas à sécuriser le nord du pays. Dans le centre de Kidal, les gens peuvent circuler librement. Mais on trouve des barrages militaires à toutes les entrées de la ville. Les islamistes ne sont qu’à 200 kilomètres de là. L’armée ne va pas les chercher.

    Le nord du Mali a connu une grave sécheresse. Quand j’y suis retourné, j’ai vu que la majorité des gens avaient perdu leur bétail. C’est une vraie catastrophe. Les gens n’ont pas beaucoup d’animaux là-bas. Si l’aide arrive vite, ça va, ça peut se régler. Mais là, elle n’est pas venue. Pas de nourriture, pas de médicaments pour les animaux. C’est de la négligence.

    Après l’enregistrement de l’album, je suis retourné vivre à Tamanrasset. Ma vie n’a pas changé, je vais toujours dans le désert, c’est aussi naturel pour moi que d’allumer une cigarette. J’ai gagné un peu d’argent en Europe mais ça ne m’intéresse pas, je ne sais même pas combien j’ai rapporté. Je voulais acheter des santiags mais je n’ai pas trouvé ce que je voulais. J’ai acheté des vêtements militaires, rares en Afrique. Juste le nécessaire. Je veux juste faire avancer le groupe et sa musique.

    Il n’y a rien de 2010 dont je me rappellerai toute ma vie. Tout ce dont je veux me souvenir un jour, c’est l’autonomie de mon peuple. Le reste, ce qui m’arrive à moi, ça n’a pas d’importance.

    Propos recueillis par Stéphane Deschamps

    source:www.lesinrocks.com

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