• REBELLION TOUAREGUE AU MALI: effets collatéraux au Burkina

    REBELLION TOUAREGUE AU MALI: effets collatéraux au Burkina
    A la guerre, il n' y a pas de gagnants, il n' y a que des perdants." Chamberlain, l'auteur de ces mots, ne croyait pas si bien dire. De tout temps, les guerres ont été cause de régression des sociétés dans lesquelles elles surviennent. Les conflits contemporains sont l'une des raisons évidentes du retard économique de l'Afrique. La rébellion touarègue est une de ces crises qui secouent le Mali et le Niger, et minent leur développement.

    Les Burkinabè, qui ne connaissaient de cette crise qu'à travers les échos des médias, commencent à la saisir dans toute sa cruauté. Le millier de réfugiés maliens qui a déjà traversé la frontière burkinabè, fuyant le bruit des canons, est la manifestation palpable des affrontements armés entre le gouvernement malien et les rebelles touaregs. On n'est plus dans la fiction mais en plein drame de la guerre avec son corollaire de déplacés et de réfugiés.

    Pays pauvre, enclavé et en proie à la pression de la vie chère, le Burkina doit donc intégrer cette nouvelle donne dans ses charges. Il faut gérer, comme on le dit vulgairement. Face à l'urgence du problème et à la détresse des réfugiés, le pays essaie de faire de son mieux pour honorer son rang de terre d'hospitalité. C'est une réputation qu'il faut préserver, à tout prix. Car les Touaregs ne sont pas à leur premier exil au Burkina, comme ils le disent eux-mêmes. S'ils y reviennent, c'est qu'ils ont gardé un bon souvenir de leur précédent séjour, certes forcé, au Burkina. D'autres Africains ont d'ailleurs par le passé élu le Burkina comme terre d'asile. On se souvient des Tchadiens, Congolais de Brazzaville, Comoriens et Ivoiriens qui, à des moments difficiles de la vie de leur pays, ont été accueillis à bras ouverts.

    Le Burkina a donc une tradition de l'accueil. Pour les Maliens et les Nigériens, surtout, il constitue un réceptacle, un point de repli naturel en raison de sa situation géographique mais aussi des liens séculaires entre les peuples de la bande sahélienne.

    Mais étant donné le contexte difficile de la vie chère, le Burkina a-t-il les moyens de ses ambitions humanitaires et de bon voisinage? Le flux des réfugiés aura forcément un coût pour l'Etat. Il y a des ressources financières à débloquer, des moyens logistiques à déployer et du personnel administratif à mobiliser. Cette crise des réfugiés vient s'ajouter à des difficultés domestiques que le pays gérait tant bien que mal.

    Il y a même des risques politiques pour un pays d'accueil (déstabilisation des structures sociales et économiques, insécurité, etc.) en cas d'arrivée massive de réfugiés. Il est donc évident qu'en dépit de sa bonne volonté, le pays ne peut pas assumer seul le fardeau de la gestion des réfugiés maliens. Il faut saluer du reste la promptitude avec laquelle le gouvernement a lancé un appel à l'aide.

    Les réfugiés touaregs sont les victimes collatérales d'un conflit armé. C'est dire que pour mettre fin à leur calvaire, il faut attaquer le mal à la racine, en trouvant une solution définitive à l'irrédentisme touareg. Impliqué à son corps défendant dans le conflit avec les réfugiés qui déferlent sur son territoire, le Burkina s'essaiera-t-il à une médiation entre les protagonistes de cette guerre fratricide? Ce ne sont pas les atouts qui lui manquent. En plus du statut de voisin du Mali et de pays d'accueil des victimes de la guerre, d'autres éléments plaident pour l'implication du Burkina dans le processus de dialogue. Il assure la présidence en exercice de l'UEMOA et de la CEDEAO et est membre (non permanent) du Conseil de sécurité des Nations unies.

    Ce n'est pas rien. Par ailleurs, après son engagement réussi dans la résolution des crises en Côte d'Ivoire et au Togo, le pays a désormais une expertise qui peut être utile. Enfin, le Burkina a une bonne connaissance du dossier touareg pour avoir été associé au règlement du premier conflit de ce type, au Niger. Le Mali et le Niger, qui gèrent jusque-là leurs crises en vase-clos, avec uniquement leurs voisins d'Afrique du Nord (Libye, Algérie), s'ouvriront-ils à un autre interlocuteur? Le Niger avait en tout cas rejeté une première proposition de médiation du gouvernement burkinabè. Reste le Mali, dont le président, bien qu'intransigeant sur l'intégrité territoriale du pays, ce qui est normal, n'exclut pas la voie de la négociation.

    En tout état de cause, le Burkina ne peut plus être ignoré dans la résolution globale du conflit touareg au Mali. En tant que pays hébergeant de plus en plus de réfugiés, il partage d'une façon ou d'une autre les affres de l'instabilité dans le nord Mali, avec les Maliens. On n'ira pas jusqu'à parler de droit moral du Burkina sur ce conflit, comme l'a fait avec condescendance un ministre belge vis-à-vis de la RD Congo, mais il se pose, en tout cas, un problème de régionalisation du conflit, avec ce que cela suppose comme riposte appropriée à apporter. Bref, le crépitement des armes ne génère que des malheurs, quelle que soit la cause qu'on défend. Et le Burkina est bien payé, avec des réfugiés sur les bras, pour le savoir.
    "Le Pays"

    © Copyright Le Pays

    « SAHEL: Journal du changement climatique au Sahel – 3ème jourRésolution traditionnelle des conflits au Mali »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,