• Quoique vous lisiez sur le Niger, n’oubliez jamais l’essentiel

    En 2008, Areva a exploité 6.300 tonnes d’uranium dans le monde, dont près de la moitié au Niger. Il prévoit d’y investir 1,2 milliard d’euros pour exploiter la deuxième mine d’uranium mondiale.    

    AFP/Pierre Verdy
    Changement de décor pour Areva. En mai dernier, Anne Lauvergeon posait en grande pompe la première pierre de la future mine géante d’Imouraren, à plus de 1.000 kilomètres au Nord de Niamey. La patronne du groupe nucléaire était accompagnée du président nigérien Mamadou Tandja et d’un millier de touaregs à dos de chameau. Après des mois, voire des années de négociations ardues – émaillées de l’expulsion du pays du représentant d’Areva en 2007 – tout ce petit monde s’était enfin entendu pour exploiter ensemble ce qui doit devenir la « mine d’uranium la plus importante de toute l’Afrique », et la deuxième du monde.

    Huit mois plus tard, Mamadou Tandja est renversé et Areva va devoir composer avec une nouvelle équipe au pouvoir. Vendredi, l’armée a d’ores et déjà annoncé la suspension de la sixième constitution du pays depuis son indépendance de la France, en 1960. Va-t-elle vouloir renégocier les permis d’exploitation qui lient l’Etat et le champion français du nucléaire ?

    Chez Areva, on se refuse à tout commentaire. « Il est trop tôt pour analyser la situation », dit-on à Paris. Depuis que sa maison-mère, le Commissariat à l’énergie atomique, a mis en évidence les importantes réserves d’uranium du pays dans les années 1950, le groupe en a vu d’autres.

    L’enjeu reste crucial pour Areva et son avenir. En 2008, le groupe a exploité 6.300 tonnes d’uranium dans le monde, dont près de la moitié au Niger. Les chiffres de 2009 ne sont pas encore officiels, mais on évoque une production totale de 8.630 tonnes dans le monde, dont plus de 3.200 au Niger.

    Dans le pays, le groupe exploite deux sociétés minières depuis la fin des années 1960, Somaïr, qui doit porter sa capacité de 2.000 tonnes actuellement à 5.000 d’ici à 2015, et Cominak, dont la capacité de 2.000 tonnes est appelée à diminuer. Il emploie au total 2.500 collaborateurs sur place, ce qui fait de lui le premier employeur privé du pays. Son projet d’Imouraren est décisif. Avec un investissement de 1,2 milliard d’euros, ce gisement doit être exploité à partir de 2012, réaliser une production de 3.000 tonnes en 2015 et de 5.000 tonnes à terme. En termes de réserves, l’importance du Niger pour les activités minières d’Areva est encore plus impressionnante.

    En 2008, le sixième producteur mondial d’uranium – derrière le Canada, le Kazakhstan, l’Australie, la Namibie et la Russie – représentait 246 millions de tonnes de réserves de minerai pour le groupe français, sur un total de 282 millions. Depuis, Areva a mis la main sur un gros gisement en Namibie avec l’acquisition d’UraMin.

    Toute la question est de savoir si le nouveau pouvoir politique nigérien va exiger de nouvelles conditions de la part d’Areva (partage des actifs, conditions d’enlèvement, …). S’il était effectivement tenté de tout renégocier, Areva serait confronté à la concurrence chinoise, particulièrement active dans l’uranium. Par ailleurs, cela pourrait compliquer son projet d’augmentation de capital, qu’il négocie actuellement avec le japonais Mitsubishi et des fonds souverains. Mais qui que soit son futur leader, Niamey devrait avancer prudemment : la redevance minière représente 5 % de son PIB. Autrement dit, si Areva dépend du Niger, le Niger dépend en partie d’Areva.

    Personnellement après avoir rappellé ces informations essentielles, j’ai le sentiment qu’Areva n’est pas tout à fait mécontente de l’affaire. Il suffit de voir la presse aux ordres et la manière dont elle rappelle que  »Au terme de ses deux mandats et de dix ans de règne, le président avait dissous le Parlement et la Cour constitutionnelle puis organisé un référendum constitutionnel lui permettant de rester à la tête du pays trois ans de plus. L’Union européenne avait suspendu son aide, des fonds indispensables pour le Niger, l’un des pays les plus pauvres du monde. La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) s’était aussi montrée menaçante. La semaine dernière, les ultimes négociations au Nigeria pour trouver une solution à la crise, avaient conduit à une impasse. «Des tensions semblaient inévitables», souligne un diplomate qui s’avoue néanmoins surpris «par la rapidité du scénario».

    Alors si des Etats africains comme le président Zuma en Afrique du Sud, ou le président Bouteflika en Algérie protestent et affirment ne pas reconnaître le nouveau gouvernement. Ce qui frappe en revanche c’est la « modération française. Areva est déjà en train de négocier mais peut-être le coup d’Etat n’est-il qu’un des multiples épisodes de la concurrence entre la Chine et l’Europe, voire les Etats-Unis. Et la France n’est pas totalement innocente.

    « La communauté internationale, France, États-Unis et Cédéao en tête, tout en condamnant le putsch, a modéré ses critiques en évitant de demander un retour de Tandja aux affaires. « 

    « La présence de «Pelé» et d’Harouna parmi les putschistes n’est pas pour rien dans ce relatif optimisme. En 1999, ils avaient déjà renversé le pouvoir en place. Par un curieux retournement de l’histoire, c’est cette junte qui avait permis l’élection démocratique de Mamadou Tandja. Les nouveaux maîtres du Niger, troisième producteur mondial d’uranium, ont aussi pris soin de rassurer les investisseurs, à commencer par Areva. Vendredi, l’armée a annoncé la création d’un «conseil consultatif», composé notamment de hauts fonctionnaires. »
    socio13.wordpress.com
     

    « Contre-coup d’Etat à NiameyNiger : hypocrisie diplomatique »
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