• Niger : Une nouvelle loi sur le statut du député scandalise la population

    Niger : Une nouvelle loi sur le statut du député scandalise la population
    Des organisations de la société civile nigérienne ont créé une coalition dénommée "Convergence citoyenne" pour s'opposer à la promulgation d'une nouvelle loi portant statut du député, adoptée ce mois par le parlement et qui multiplie les avantages financiers des législateurs.


    Selon Brigi Raffini, quatrième vice-président de l'Assemblée nationale du Niger, cette loi vise à valoriser, sécuriser et à rendre plus performante la fonction de député.

    Mais, les organisations de la société civile accusent les députés, au nombre de 113, de "pillage des deniers publics", à travers l'amélioration de leurs avantages pécuniaires et de leurs privilèges dans le nouveau statut, alors que la majorité de la population de ce pays pauvre d'Afrique de l'ouest est confrontée à des problèmes de survie quotidienne.

    "Au moment où des secteurs sociaux comme la santé, l'éducation, l'hydraulique, connaissent des difficultés de fonctionnement faute d'allocations budgétaires suffisantes, il est inadmissible que les députés renforcent leurs avantages", déclare à IPS, Badié Hima, porte-parole de Convergence citoyenne basée à Niamey, la capitale nigérienne.

    Hima affirme avoir dénombré une quinzaine d'indemnités et privilèges dans la nouvelle loi qui n'est qu'une révision de celle de 2003 portant statut du député, laquelle accordait déjà d'importants avantages aux députés.

    D'après les dispositions de l'ancienne loi, un député, qui n'est pas membre du bureau ou des commissions spécialisées du parlement, a un traitement mensuel d'environ deux millions de francs CFA (environ 4.762 dollars), y compris les indemnités de session et avantages pécuniaires.

    "Vous avez l'indemnité de session qui fait environ 25.000 FCFA (environ 60 dollars) par jour, l'indemnité de première mise - une sorte de prime d'équipement accordée à chaque député en début de législature - qui équivaut à 60 jours d'indemnités de session, l'indemnité de fin de mandat qui fait deux fois celle de première mise, et l'indemnité en cas de dissolution de l'Assemblée nationale, qui fait trois fois l'indemnité de première mise", souligne Hima.

    Il ajoute à cela les allocations familiales, la prise en charge médicale du député, de ses conjoints et ses enfants mineurs, les indemnités accordées aux députés convoqués en réunion hors session, la chambre meublée mise à la disposition de chaque député en début de législature, la pension de retraite parlementaire, et une mutuelle de santé subventionnée par le budget du parlement.

    Dans la nouvelle loi contestée, outre la révision à la hausse de l'indemnité de première mise et l'élargissement de la prise en charge médicale aux enfants étudiants des députés jusqu'à l'âge de 25 ans, il est également introduit une disposition qui considère le député en pèlerinage à La Mecque comme étant désormais en mission. A ce titre, il bénéficiera d'une indemnité journalière de 130.000 FCFA (environ 310 dollars), et 260.000 FCFA (environ 620 dollars) pour le président de l'Assemblée nationale. Pour Souley Adji, professeur de sociologie politique à l'Université de Niamey, la fronde sociale contre les députés n'est guère surprenante à cause de la pauvreté ambiante dans laquelle végètent les populations. Selon le Rapport sur le développement humain 2007/2008 du Programme des Nations Unies pour le développement, 60,6 pour cent des Nigériens vivent en dessous du seuil de pauvreté avec moins d'un dollar par jour.

    "C'est l'indécence et la démesure qui frappent l'esprit du Nigérien moyen, de voir dans un pays très pauvre comme le nôtre, des députés s'attribuer une retraite indue, alors même que nous avons une jeunesse très nombreuse, diplômée et qualifiée, mais qui malheureusement erre dans les rues", déclare Adji à IPS.

    Selon Nouhou Arzika du Mouvement citoyen pour la paix et la démocratie, un autre regroupement d'organisations de la société civile hostile au statut du député, basé à Niamey, "cette situation est à l'origine de la croissance exponentielle du budget de l'assemblée, qui est passé de 1,2 milliard de francs CFA (environ 2,8 millions de dollars) en 1994 à environ huit milliards FCFA (19 millions de dollars) en 2008"."Les députés ne sont pas là pour dilapider les ressources de l'Etat, contrairement aux accusations de la société civile", se défend Raffini à IPS, indiquant que ces indemnités ont toujours existé depuis 2003.

    "Cette révision vise tout simplement à mettre le député dans de bonnes conditions de travail pour qu'il remplisse efficacement son rôle. Elle n'a pas une incidence véritable sur les finances publiques de l'Assemblée nationale", affirme Raffini, insistant également sur des sanctions pécuniaires contenues dans par la nouvelle loi, qui visent à discipliner les députés et à réduire leur taux élevé d'absentéisme lors des sessions.

    Mais, Hima ne partage pas cette opinion de sanction : "C'est maintenant même que l'absentéisme des députés est encouragé puisque l'ancienne loi ne comportait que deux motifs d'absences autorisées et excusées : l'absence pour cause de maladie et l'exécution...d'une mission confiée au député par le gouvernement ou l'Assemblée nationale". La nouvelle loi reconnaît jusqu'à sept motifs d'absence.

    Selon Raffini, la seule indemnité qui a connu une revalorisation est celle de la première mise qui passe d'environ 800.000 FCFA (1.905 dollars) à plus de 1,5 million de FCFA (environ 3.571 dollars) et qui "aura une répercussion sur l'indemnité de fin de mandat à verser aux députés en fin 2009", reconnaît-il.

    Mais la nouvelle loi soumise à la promulgation du président de la République n'a pas reçu l'avis favorable du gouvernement au moment de son vote, a constaté IPS.

    Le gouvernement a notamment reproché aux députés de n'avoir pas budgétisé leurs nouveaux avantages, en violation de l'article 93 de la constitution nigérienne, relatif à l'irrecevabilité des propositions lorsqu'elles ne sont pas accompagnées d'une proposition de recettes d'économies équivalentes.

    Il a également dénié au parlement la possibilité de fixer de nouveaux avantages par délibérations, alors que l'institution est même chargée de contrôler l'utilisation correcte des ressources publiques.

    Selon Raffini, la non-budgétisation des avantages invoquée par le gouvernement va se régler bientôt, à l'occasion de l'examen du projet de loi rectificatif du budget, qui prévoit des augmentations de salaires aux fonctionnaires de l'Etat.

    Devant la détermination des députés à faire passer leur loi, le Mouvement citoyen pour la paix et la démocratie a déjà organisé, le 21 mai, une marche de protestation suivie d'un meeting devant le siège du parlement, à Niamey, qui a mobilisé plusieurs milliers de manifestants.Des manifestations similaires se sont déroulées le même jour dans plusieurs autres grandes villes du pays, comme Dosso, Maradi, Zinder, a constaté IPS.

    Pour Abdrahamane Soly, un ancien procureur général à la retraite à Niamey, l'acte des députés est tout à fait constitutionnel. Par contre, il trouve indécent qu'ils s'accordent de nouveaux avantages par délibérations.

    "La supercherie a été orchestrée depuis 2003 lorsque les députés avaient modifié en catimini la constitution pour y introduire leur statut. C'est à ce moment que le combat que mène la société civile aujourd'hui devrait se faire. Malheureusement, la manoeuvre des députés était passée inaperçue à l'époque", explique Soly à IPS.

    Ousseini Issa Niamey

    Source: betapolitique

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