• Niger : Interview de M. Issyad Ag Kato, ministre des Ressources Animales

    Niger : Interview de M. Issyad Ag Kato, ministre des Ressources Animales
    "L'élevage occupe 87 % de la population et contribue pour 15 % au développement national"

    Le Niger vient de boucler le recensement général de son cheptel. D'abord, Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire les raisons ayant motivé cette action ?

    Je voudrais, auparavant, retracer l'importance du secteur de l'élevage au Niger. Cette importance peut se percevoir à travers le rôle socio-culturel que joue l'élevage, sa très grande diversité biologique, sa contribution à la couverture des besoins alimentaires des populations à travers la fourniture de protéines nobles comme la viande et le lait. L'élevage apporte aussi sa contribution dans la lutte contre la pauvreté en tant que principale source de revenus pour une grande partie des ménages ruraux où on estime son apport à 15% du budget ; il procure un emploi permanent à plus de 87% de la population nigérienne qui pratiquent l'élevage à temps plein ou partiel. Il a une forte contribution à l'économie nationale (12% du PIB, à l'équilibre de la balance de paiement, au budget national et à celui des collectivités). Nous soulignerons conséquemment son rôle de facteur de développement avec l'intégration agriculture -élevage et l'énergie de travail (fumure organique, traction animale) et la promotion du développement industriel : laiteries, fromageries, manufactures des cuirs et peaux etc. Mais cet élevage a souffert d'une série de calamités naturelles ayant un tant soit peu compromis ces contributions. A noter également que les effectifs réels de cet élevage sont peu maîtrisés, conséquence naturelle de l'absence de statistiques fiables sans compter le fait que les projets de développement de grande envergure sont rares par manque de financements. Et c'est justement pour pallier ce manque et pour mieux asseoir une politique nationale de développement du secteur, que le gouvernement a décidé de conduire le recensement national du cheptel. C'est une opération qui s'inscrit dans la droite ligne des préoccupations et options fondamentales du gouvernement de la 5ème République, contenues dans la Stratégie de Développement Accéléré et de la Réduction de la Pauvreté (SDARP) et la Stratégie de Développement Rural (SDR). Sa mise en oeuvre a été retenue comme axe prioritaire d'intervention lors de l'atelier sur la relance de l'élevage en 2002 à Maradi.

    Quels sont les résultats issus de ce recensement et quel a été le rôle des partenaires au développement dans l'accomplissement de cette opération ?

    Au terme de l'opération de dénombrement du cheptel en 2005, les effectifs sont estimés à 31.039.041 têtes constituées de bovins, ovins, caprins, camelins, asins, équins, soit un capital bétail estimé à plus de 2000 milliards de Fcfa. Et selon certaines règles de calcul scientifique, cet effectif du cheptel est passé en 2006 à 32. 302. 651 têtes et à 33. 622. 791 en 2007. Les partenaires au développement nous ont accompagné tout au long du processus. Cet appui technique et financier a été conjointement assuré, pour la phase test, par la Banque Mondiale à hauteur de 175.000.000 de Fcfa, la FAO à hauteur de 338 000 dollars US et l'Union Européenne (UE) pour une enveloppe de 330.364.000 de Fcfa. La phase opérationnelle a été financée par l'UE avec 4.264.000.000 de francs CFA, la FAO étant l'Agence d'exécution.

    Quels sont les avantages que le Niger entend tirer de ce recensement du cheptel, tant au plan national qu'international ?

    Le gouvernement a, depuis quelques temps, opté pour une gestion axée sur les résultats, et fait désormais de l'outil statistique un instrument essentiel et incontournable non seulement pour l'analyse de la SDRP, des OMD et de l'Indice du Développement Humain, mais aussi pour le suivi des stratégies sectorielles. Car, sans statistiques fiables, les politiques de développement sont généralement biaisées et prêtent souvent aux sous-estimations des données socio-économiques. Or, le Recensement général de l'agriculture et du cheptel (le RGAC) est, avant tout, une opération statistique. Cela a été un travail de grande envergure, jamais réalisé au Niger. Ce qui a permis à notre pays de disposer de données structurelles sur les effectifs du cheptel, leur répartition géographique ainsi que leur composition par classe d'âge. Nous pouvons dorénavant mieux apprécier, évaluer et valoriser cette grande richesse nationale qu'est l'élevage. Nous avons la maîtrise des effectifs du cheptel qui est, en tout cas, gage d'une meilleure politique de planification des programmes de développement dans le secteur et un meilleur ciblage des interventions. Des messages forts ont été relevés par rapport aux pratiques d'élevage dans notre pays et désormais, la contribution du secteur à la formation du produit intérieur brut (PIB) va mieux s'améliorer. Au plan sousrégional, le RGA/C a permis au Niger de prendre sa place de leader dans l'espace UEMOA avec des données issues d'enquêtes et validées par la FAO.

    On dit que l'élevage est la deuxième mamelle de l'économie nationale. Pouvez- vous nous faire, Monsieur le ministre, le situation générale de ce que représente ce secteur dans la balance commerciale du pays ?

    L'économie du Niger est d'abord rurale et repose sur les potentialités qu'offre le secteur primaire. Le cheptel du pays est estimé en 2007 à plus de 33 millions de têtes toutes espèces confondues soit 12,5 millions d'UBT et représente un capital bétail de près de 2000 milliards de F CFA avec une production annuelle de 288 milliards et une valeur ajoutée de 240 milliards, faisant certainement du Niger un grand pays d'élevage. Les productions animales contribuent pour près de 13% au Produit Intérieur Brut (PIB) et 30% au PIB agricole en 2006. L'élevage est pratiqué par près de 87% de la population active en tant qu'activité principale ou activité secondaire après l'agriculture. Il représente une source importante de devises pour l'Etat et les collectivités territoriales, et contribue également de manière significative au budget des ménages (15%) et à la satisfaction des besoins alimentaires (25%).

    Le Niger possède ainsi, à travers son élevage, un atout important pour son développement socioéconomique et sa sécurité alimentaire. Les produits de l'élevage et dérivés occupent pratiquement le deuxième rang des produits d'exportation après l'uranium, et comptent en moyenne pour 20% de recettes d'exportation. Sur le plan régional, le commerce des animaux sur pieds est économiquement rentable et peut jouer un rôle important dans la réduction du déficit de la balance commerciale.

    Quels sont, Monsieur le ministre, les efforts qui sont entrain d'être faits dans le sens d'assurer une meilleure compétitivité du bétail nigérien et des produits dérivés de l'élevage sur le marché international ? Une étude de la CAPED réalisée en 2005 a montré que le Niger dispose d'un avantage comparatif indéniable pour l'exportation du bétail sur pieds. Cet avantage comparatif est reflété par plusieurs indices dont l'évolution des valeurs montre qu'à partir de 1994, année de la dévaluation du FCFA, il a été enregistré une amélioration continue de la compétitivité du bétail sur pieds. Par ailleurs, la viande du Niger est très appréciée par les consommateurs locaux et étrangers pour son goût et ses qualités organoleptiques. Cela est lié à notre système d'alimentation du bétail basé sur l'exploitation de pâturages naturels, n'utilisant pas ou peu d'aliments concentrés. A cela il faut ajouter un bon rendement carcasse qui varie entre 40 et 52%

    Il y a enfin la bonne situation sanitaire du cheptel car le Niger a reçu le quitus de pays indemne de cette maladie par l'Organisation Internationale des Epizooties (OIE), ce qui ouvre de larges perspectives de commerce de la viande sur le marché mondial. Pour ce faire, et partant des potentialités et opportunités, mais aussi du rôle que joue l'élevage dans la réduction de la pauvreté et le renforcement de la sécurité alimentaire, depuis l'avènement de la 5ème République, le secteur de l'élevage a connu une nouvelle dynamique dont la politique a été clairement définie dans les différents documents de stratégie. Ainsi, les grandes priorités dégagées par le gouvernement en matière d'élevage visent entre autres le développement et l'amélioration des productions animales, avec notamment le développement des industries animales telles que les unités de transformation de lait avec la construction d'une laiterie modulaire à Maradi ; la négociation de financement pour la construction d'une autre à Tahoua ; le projet de construction de deux abattoirs frigorifiques modernes dont un à Zinder et l'autre à Niamey ; les stations avicoles et les unités d'aliment bétail ; la construction d'une tannerie à Malbaza ; une politique d'exportation fiable permettant ainsi l'amélioration des ressources financières de l'Etat ; la maîtrise de la santé animale etc. Il s'agit à travers ces différentes actions de lever les obstacles majeurs liés au commerce du bétail et de la viande, mais aussi et surtout d'absorber les productions animales rurales en créant les conditions pour leur exportation. Publicité

    Comment est conduite, cette année, la campagne pastorale dans le pays et quelles sont vos attentes ?

    Comme à l'accoutumée, mon département ministériel a pris un certain nombre de dispositions pour assurer un bon déroulement de la campagne pastorale cette année. En effet, pour permettre aux éleveurs de traverser aisément la période de soudure, notre institution a élaboré et transmis à la Cellule Crise Alimentaires (CCA) pour financement un Programme de Renforcement des Banques Aliments Bétail. Le traitement de ce dossier est en cours et sa mise en oeuvre permettra d'acquérir 10500 tonnes d'aliments bétail qui viendront renforcer les stocks déjà existants au niveau de nos services déconcentrés et des banques d'aliments bétail mises en place par les ONG et d'autres partenaires. L'installation de la campagne constitue une préoccupation majeure de notre institution compte tenu de la recrudescence des conflits entre agriculteurs et éleveurs observés lors de la remontée vers le nord des éleveurs de retour de transhumance.

    Cependant, pour que cette campagne réponde aux attentes de nos braves éleveurs, nous ne cessons d'implorer le Tout Puissant, le Clément et Miséricordieux, pour qu'il nous gratifie d'un hivernage fécond, créant ainsi les conditions d'un bon développement des pâturages pour satisfaire, même pendant la période de soudure, les besoins alimentaires du cheptel national.

    Quelles sont les perspectives qui s'offrent à l'élevage au Niger ?

    L'avenir de l'élevage au Niger est prometteur. En effet, ce secteur fait l'objet d'un regain d'intérêt au plus haut niveau de l'Etat. En témoignent les financements programmés sur le collectif budgétaire évalués à neuf (09) milliards de francs CFA. Ces financements sont en parfaite adéquation avec les principaux axes stratégiques de développement du secteur afin de contribuer à l'atteinte des objectifs de la Stratégie du Développement Rural (SDR) et de la Stratégie de Développement Accéléré et de Réduction de la Pauvreté (SDRP). En effet, ces axes stratégiques portent sur le contrôle des principales maladies animales transfrontalières, l'amélioration des ressources génétiques animales et des ressources alimentaires du bétail, ainsi que sur la promotion des filières animales. Les financements acquis vont nous permettre de mieux contrôler les principales maladies animales transfrontalières en renforçant les capacités d'intervention des services vétérinaires. A ce titre, 2 milliards de francs CFA sont programmés cette année. L'amélioration génétique de nos races locales à travers le croisement avec les races exotiques performantes bénéficie d'une enveloppe de 2 milliards aussi. A ce sujet, deux races exotiques performantes, à savoir la Prim Holstein et la Brune des Alpes sont déjà identifiées pour faire l'objet de croisement avec nos races locales en vue d'augmenter la production laitière dans l'optique de répondre aux besoins sans cesse croissants de nos populations. La construction du nouvel abattoir frigorifique de Niamey bénéficie d'une enveloppe de 5 milliards pour permettre à ce projet d'être une réalité afin de répondre à la forte demande interne et surtout externe en viande de qualité. Des manifestations d'intérêt sont exprimées par la Guinée Equatoriale, le Gabon, le Koweït et la RDC. Avec la construction de cet abattoir répondant aux normes internationales, d'autres marchés pourraient aussi être conquis. Voilà les financements programmés sur les ressources de l'Etat. Ils viennent en complément des financements extérieurs acquis pour poursuivre les actions d'amélioration génétique, d'aménagement des espaces pastoraux et de structuration des filières. Comme vous le constatez, les perspectives qui s'offrent au secteur de l'élevage sont bonnes. Et je puis vous affirmer sans ambages que ce secteur est sur la voie d'une croissance soutenue et durable.

    J'espère qu'avec la volonté politique manifeste du Président de la République, Chef de l'Etat, SEM Mamadou Tandja, la détermination et la motivation des cadres, et la disponibilité constante des éleveurs, le secteur de l'élevage contribuera de façon décisive à réussir le pari de la sécurité alimentaire.

    Réalisée par Issaka Saïdou
    source: sahel dima,che

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