• Niger: Controverse autour des retombées de l'or de Samira

    Niger: Controverse autour des retombées de l'or de Samira
    BOULKAGOU, ouest du Niger , 20 nov (IPS) - Assis sous un hangar au milieu de ses courtisans, Idrissa Deibon, le chef du village de Boulkagou, dans l'ouest du Niger, manifeste peu d'enthousiasme à parler des retombées, pour sa localité, de l'or exploité à Samira par la Société des mines du Liptako (SML), a constaté IPS.

    "La société nous a fait, c'est vrai, des réalisations, mais celles-ci ne sont pas encore à la hauteur de nos espérances", déclare Deibon à IPS. "Elle nous a construit trois classes et apporte chaque année un appui en fournitures scolaires à l'école et en médicaments à la case de santé de notre village", indique-t-il.

    "Elle nous a aussi donné un tracteur agricole, qui est malheureusement tombé en panne, deux motopompes, un moulin à grain et trois machines à coudre pour nos filles, en dehors du mini château d'eau qui n'est pas encore fonctionnel", ajoute-t-il. "Ces réalisations sont certes louables, mais un village comme le nôtre mérite d'avoir son propre centre de santé aujourd'hui".

    Puis, Alzouma Harouna, un courtisan, renchérit à IPS : "Nous évacuons actuellement nos malades graves à moto ou en charrette, avec le risque que la personne meure avant d'arriver à destination".

    Peuplé d'environ 2.500 habitants, Boulkagou abrite plus de la moitié des 129 ouvriers de la SML, selon Harouna Kangaye, un ouvrier de la cité minière de Boulkagou, qui se plaint notamment de leurs conditions de vie.

    "Comme vous le voyez, les logements que la société nous a construits sont des pièces de 16 mètres carrés, sans clôture, où personne ne peut vivre avec femme et enfants et, c'est le même modèle de cité dortoirs dans le village de Bossé Bangou, où vit une partie des ouvriers", explique Kangaye à IPS.

    A Boulkagou, comme à Bossé Bangou, Libiri, Tialkam, Talla, Tiawa, Garbey Kourou et Larba -- d'autres villages proches du site aurifère -- c'est le même sentiment d'insatisfaction vis-à-vis des retombées de l'or, qui anime les populations.

    "Quand le projet était dans sa phase d'exploration, les populations pensaient qu'on allait les prendre en charge intégralement, ce qui n'était pas possible parce qu'il y a des actionnaires qui ont fait des investissements à rentabiliser", rétorque Moussa Harouna, l'administrateur délégué de la SML, basé à Niamey, la capitale du Niger, un pays d'Afrique de l'ouest.

    "La société a fait d'importantes réalisations qu'elles ne peuvent pas nier, notamment dans les domaines de l'eau, de la santé, de l'agriculture et de l'éducation", ajoute-t-il.

    Dotée d'un capital de 600 millions de francs CFA (environ 1,2 million de dollars), détenu à 40 pour cent par SEMAFO (une compagnie canadienne), 40 pour cent par STRUCSCAN (une autre société canadienne) et 20 pour cent par l'Etat du Niger, la SML a démarré ses activités en 2004, selon Modi Albdoulkari, le directeur régional des mines, à Tillabéri, dans l'ouest du Niger.

    "La SML exploite industriellement les gisements aurifères de Samira et de Libiri, estimés à 50 tonnes exploitables en six ans et demi", indique Abdoulkadri à IPS. "La production est d'environ 300 kilogrammes d'or par mois, d'après les rapports fournis mensuellement par la direction de la SML", dit-il, ajoutant toutefois qu'il ne pouvait pas vérifier ces chiffres.

    "Nous avons un contact permanent avec le directeur national des mines et un service de suivi de l'ensemble de nos activités. Ceci étant, nous n'avons jamais empêché le directeur régional d'aller sur le site pour contrôler", explique Harouna.

    "Les quantités d'or déclarées à l'exportation par la SML sont plus importantes que la masse d'or exploitée mentionnée dans ses rapports", affirme à IPS, Salissou Oubandoma, coordonnateur du Groupe de réflexion et d'action sur les industries extractives au Niger (GREN), un groupe de la société civile, basé à Niamey.

    Pour lui, l'or exploité à Samira ne profite pas encore véritablement aux communautés locales, encore moins à l'ensemble des Nigériens.

    Devant cette situation, l'Assemblée nationale a créé une commission de contrôle, qui a mené des investigations sur les activités de la SML, et a déposé son rapport depuis janvier dernier.

    Selon le rapport, "il n'y a pas de corrélation entre la quantité d'or produite et les retombées pour le Niger. Les recettes générées à l'Etat par les activités de la SML s'élèvent à environ 5 milliards de FCFA (environ 10 millions de dollars) de 2004 à 2007, pour une production d'or de 8.306,29 kg estimée à environ 67 milliards de FCFA (134 millions de dollars)".

    "Sur la même période, la SML a bénéficié d'exonérations fiscales de l'ordre de 9,7 milliards de FCFA (environ 19,4 millions de dollars) pour des investissements au profit des communautés locales de l'ordre de 50 millions de FCFA (100.000 dollars)", ajoute le document, qui déplore également des impacts négatifs sur l'environnement.

    Selon Harouna, la vente de la production à terme jusqu'en 2009, à environ 350 dollars l'once d'or, avant même le démarrage de l'exploitation (2004) -- choisie par la SML -- n'a pas permis de faire des bénéfices substantiels, surtout que sur le marché spot, le prix a entre-temps triplé.

    "Mais en matière d'investissements économiques, c'est des milliards que nous avons injectés dans la construction d'une route qui fait 70 kilomètres et dans la réalisation d'infrastructures communautaires", indique-t-il.

    Selon Halidou Soumaïla, le maire de la commune rurale de Gothèye dont dépend territorialement le site aurifère, la SML a créé, c'est indéniable, des emplois aux jeunes de la région et a réalisé certaines infrastructures communautaires visibles dans les villages.

    "Mais elle a aussi bouleversé le mode de vie des populations locales, avec l'apparition de nouveaux phénomènes comme la prostitution dans les villages", déplore-t-il.

    "A cela, s'ajoute la dégradation de l'environnement due à la coupe sauvage de bois pour cuire le repas et pour construire des maisons et, à l'utilisation de certains produits chimiques comme le cyanure, la soude caustique, qui interviennent dans le traitement du minerai", indique Soumaïla à IPS.

    Pour sa part, Halidou Hama, un habitant de Boulkagou, déplore : "Les champs, qui ont été expropriés pour l'implantation de l'usine, ne seront plus utilisables à la fin de l'exploitation".

    Selon une enquête socioéconomique et environnementale diligentée en 2007 par le GREN, la mine produit environ 200.000 mètres cubes de stériles (résidus de roches) par mois, entassés dans la zone. (FIN/2008)


    Ousseini Issa
    Source: Ipsinternational
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