• Les origines préhistoriques et paléoberbères des Touaregs à travers l’art 4/6

    Les origines préhistoriques et paléoberbères des Touaregs à travers l’art 4/6
    C'est au Nouvel Empire (notamment de 1307 à 1070 avant J.-C.), que la menace des Libyens orientaux fut la plus grande : alliés aux Peuples de la Mer venus de Lycie, d'Etrurie, de Sicile, de Sardaigne, d'Asie Mineure (sous la poussée d'invasions indo-européennes dans les Balkans qui les fait aboutir aux côtes africaines et débarquer en Marmarique, en transitant par la Crète), ils vont faire trembler la puissante Egypte des pharaons. Au cours du règne de Mineptah (1224-1214 avant J.-C.), l'Egypte doit faire face à une formidable coalition des Peuples de la Mer et des Libyens orientaux avec les tribus des Lebou, des Temehou, des Meshwesh et des Kehaka. C'est un chef libyen, Meghiey, fils de Ded, roi des Lebou, qui commande les coalisés dont le nombre s'élève à 20 ou 25 000 guerriers. Que ce soit Meghiey qui fut choisi pour diriger cette impressionnante coalition prouve la puissance de ces Libyens, leur capacité à s'organiser et à s'attaquer à l'un, sinon le plus grand empire de la Méditerranée antique. Le fait que les attaquants libyens soient de véritables immigrants, des tribus entières d'hommes, de femmes et d'enfants, transportant avec eux tous leurs biens, montre qu'ils fuyaient l'aridité de leur pays pour l'abondance de la vallée du Nil. L'iconographie égyptienne a abondamment représenté les Libyens orientaux, notamment leurs rois. Ces souverains sont vêtus de la tunique royale nouée sur l'une des deux épaules. La cape des Libyens représentés sur les rochers du Sahara (Tassili des Ajjer, Ahaggar, Tadrart Acacus et méridionale) est identique à la tunique des Libyens orientaux des fresques égyptiennes. Comme eux, d'ailleurs, ils portent le baudrier croisé et les plumes dans les cheveux. Libyens sahariens et Libyens orientaux faisaient partie de la même grande famille des Libyens de l'Est (occupant les territoires de la Libye, la Tunisie et la région occidentale de l'Egypte actuelles), eux-mêmes cousins des Libyens occidentaux (habitant les régions de l'Algérie et du Maroc actuels). Le contexte socioculturel des Paléoberbères offre de nombreuses similitudes avec les Touaregs d'aujourd'hui, à tel point que nous ne pouvons qu'admettre que leurs lointains ancêtres -les Protoberbères bovidiens du Néolithique, puis les Libyens sahariens des débuts de l'Antiquité- constituent assurément la souche la plus ancienne du peuplement touareg.Les souverains des Libyens orientaux portent sur la tempe la " tresse berbère ", une coiffure caractéristique que les explorateurs européens, abordant le pays touareg au XIXe siècle, ne manqueront pas de signaler (par exemple Heinrich Barth en 1851 chez les Touaregs de l'Aïr, au Niger). D'autres fois, ils portent sur la poitrine le fameux baudrier croisé ainsi qu'un collier à pendeloque. Comme les Protoberbères, leur corps est orné de nombreux tatouages. Ces tatouages et les capes décorées des Libyens orientaux reproduisent les motifs caractéristiques de l'art géométrique berbère, comme le triangle, le losange, la ligne brisée ou la croix.

    Parmi ces tatouages, on identifie le symbole de la déesse Nit ou Neith. Tatouages et plumes sont réservés aux représentants de l'échelle sociale la plus élevée, comme le chef de la tribu des Rebou qui, figuré avec ses guerriers, est le seul de son groupe à être tatoué et à porter deux plumes, symbole du plus haut niveau de chefferie. Ces souverains ont le front ceint d'un bandeau frontal comme, plus tard les rois numides figurés sur les monnaies. Ils portent des bracelets aux avant-bras à l'instar de leurs descendants touaregs. Dans l'art égyptien, les souverains libyens ont les yeux foncés ou bleus, une courte barbe et portent des anneaux aux oreilles. Le chef de la tribu avait un pouvoir héréditaire. Chez les Alitemnii, on choisissait comme chef le plus rapide, et, pour l'assister, le plus juste. On alliait ainsi force et jeunesse à l'expérience et la sagesse. Celui-ci était assisté d'un conseil. La société semble avoir été structurée selon des valeurs aristocratiques où le roi, qui deviendra un ancêtre héroïsé, constitue la valeur suprême. La période paléoberbère de l'art rupestre saharien qui correspond à l'Antiquité est constituée de deux phases. La première, la plus courte est celle des Libyens sahariens ; la seconde n'est qu'un simple continuum des caractéristiques socioculturelles de la première, avec toutefois des éléments nouveaux d'une importance capitale : l'apparition des métaux et des premiers signes d'écriture. Parmi les peuples paléoberbères, l'entité saharienne la plus puissante, avec celle des Gétules, sur laquelle nous avons le plus de renseignements historiques, est celle des Garamantes. Tacite (historien latin, Ier-IIe siècles de notre ère) disait de ce peuple qu'il constituait " une nation indomptée ". Seul état organisé de l'Afrique intérieure au sud des possessions carthaginoises et romaines, les Garamantes représentaient une entité régionale considérée comme un véritable royaume dans la littérature gréco-romaine, un centre de pouvoir à la fois politique, économique et religieux. Nous avons donc choisi ce nom, en guise de terme générique, pour désigner les hommes et les femmes de la seconde phase de la période paléoberbère de l'art rupestre saharien, descendants directs des Libyens sahariens.

    Dans l'art rupestre, les personnages garamantiques portent une tunique en cuir, tombant à mi-cuisse et serrée à la taille qui leur donne une allure de diabolo ; c'est la raison pour laquelle les spécialistes les ont aussi appelés " les bitriangulaires ". Comme le baudrier croisé, cette tunique en cuir a eu une longévité historique remarquable : ce vêtement en cuir souple s'est conservé jusque chez les Touaregs, chez les Isseqqamaren de l'Ahaggar par exemple, et l'on peut en voir un bel exemplaire exposé au musée du Bardo à Alger. Hérodote nous présente le Sahara comme un désert infernal inhabité et si on devait s'en tenir à l'histoire, sans les peintures et les gravures rupestres d'une part, et les monuments funéraires d'autre part, les Libyens sahariens n'auraient jamais existé. Ces sahariens, comme leurs prédécesseurs, se présentent comme une aristocratie guerrière. Le signe de leur autorité était le bâton de commandement qui avait valeur de sceptre.

    Dans les années 1930, les chefs touaregs tenaient encore cet emblème à la main, appelé " talak " en " tamâhaq. Un des thèmes les plus caractéristiques de l'art paléoberbère est celui que nous avons individualisé comme " la danse des bâtons " : deux ou plusieurs hommes se font face et croisent leurs bâtons comme s'ils sautaient ou dansaient. Ce genre de scène évoque une danse bien connue des Libyens orientaux, plus exactement les Temehou chez lesquels il s'agissait d'une danse guerrière (peut-être même des préparatifs de guerre) ; les Temehou dansaient en entrechoquant leurs bâtons de jet ! Encore une fois, la danse des bâtons est encore pratiquée par les Touaregs. Les Touaregs portent un poignard attaché à l'avant-bras : le type de fixation de cette arme est déjà représenté chez les Libyens sahariens, il y a près de 1 500 ans avant J.-C. Pourtant, cette façon d'attacher son poignard n'est signalée qu'au VIe siècle de notre ère par Corripe.

    Source:Afrique du nord.com

    « ARTE: Pour l'amour de l'eauCongrès Mondial Amazigh : Conférence internationale sur les Touareg »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,