• Le président Tandja cherche à s’incruster au pouvoir

    Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans le centre-ville de Niamey, la capitale du Niger, samedi, contre l’intention du président Mamadou Tandja de modifier les règles constitutionnelles et démocratiques en vue de briguer un troisième mandat au pouvoir, a constaté IPS. 

    Ces manifestants répondaient notamment à l’appel du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), le principal parti de l’opposition politique de ce pays d’Afrique de l’ouest. 


    Arrivé au pouvoir en 2000 par la voie des urnes, Tandja a été reconduit en 2004 pour un deuxième et dernier mandat légal de cinq ans. Il doit normalement passer le témoin le 22 décembre prochain, selon l’article 36 de la constitution nigérienne qui stipule : «Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel, libre, direct et secret. Il est rééligible une seule fois». 


    Malheureusement, à environ huit mois de la fin de son dernier mandat, Tandja, qui est âgé actuellement de 71 ans, a décidé de répondre favorablement aux sollicitations de certains Nigériens lui demandant de rester encore au pouvoir pour poursuivre «son œuvre de construction nationale», en violation de la loi fondamentale. 


    «La constitution appartient au peuple, et c’est ce même peuple qui me demande de rester trois ans encore. Maintenant, comme il y a une autre fraction de Nigériens qui s’y oppose, nous allons organiser un référendum», a déclaré Tandja de retour d’une visite dans le nord du pays, le 7 mai dernier à Niamey. 


    «Depuis l’année dernière, nous réclamons, à travers des manifestations de rue, une prolongation de trois ans pour Tandja afin qu’il puisse parachever les grands chantiers qu’il a ouverts», affirme à IPS Amadou Harouna, un partisan du «Tazartché», à Niamey. 'Tazartché', qui signifie prolongation en langue haoussa, est un mouvement lancé en novembre 2008 dans la région de Zinder (est du pays) par des Nigériens favorables au maintien de Tandja à la présidence au-delà de son mandat légal. 


    Harouna ajoute : «Tandja a finalement entendu notre appel en décidant d’organiser un référendum pour permettre au peuple de trancher directement. Nous allons nous mobiliser pour que le oui l’emporte». 


    Selon le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement nigérien, Mohamed Ben Omar, le référendum annoncé vise l’adoption d’une nouvelle constitution qui marquera le passage du Niger de la 5ème à la 6ème République. Mais, le gouvernement n’a pas encore fixé la date du référendum. 


    «Après consultation de l’Assemblée nationale et du président de la Cour constitutionnelle pour recueillir leur avis qu’il n’est pas tenu de suivre, Tandja va soumettre au peuple le nouveau projet de constitution, qui lui ouvrira ainsi toutes les perspectives possibles», a officiellement déclaré Omar le 8 mai, à Niamey. 


    «En ce moment, on ne parlera plus de révision, ni de prolongation, mais d’un nouveau premier mandat de Tandja dans le cadre d’un régime présidentiel qui est incontestablement le système politique le mieux adapté. Il prend mieux en compte notre conception africaine du chef», a-t-il justifié. 


    Cette révélation du ministre de la Communication a surpris les acteurs de la société civile et l’opposition politique qui tentaient de démontrer l’impossibilité d’une prolongation de mandat, en se fondant sur certaines dispositions qui empêchent clairement toute modification de la constitution. 


    Il s’agit notamment de l’article 49 de la constitution, qui dit que «le président de la République peut, après avis de l’Assemblée nationale et du président de la Cour constitutionnelle, soumettre au référendum tout texte qui lui paraît devoir exiger la consultation directe du peuple à l’exception de toute révision de la présente constitution». Et l’article 136 souligne, entre autres, que «les dispositions de l’article 36 ne peuvent faire l’objet d’aucune révision». 


    «Tandja veut contourner les obstacles contenus dans la présente constitution qu’il a juré de respecter et faire respecter en proposant une nouvelle loi fondamentale. C’est un coup d’Etat civil que nous allons farouchement combattre», promet à IPS, Yahaya Garba, secrétaire général du Parti nigérien pour l’autogestion (PNA), une formation politique de l’opposition. 


    «Cette constitution de type semi-présidentiel qu’il veut mettre de côté lui a donné deux mandats et a amené la stabilité politique dans le pays. Il n’y a aucune raison objective qui puisse justifier son changement», affirme-t-il. 


    Pour Ibrahim Zakari, un juriste basé à Niamey, la loi permet certes à Tandja de proposer une nouvelle constitution, mais seulement la manœuvre est porteuse d’un grave péril pour la stabilité sociopolitique du pays. 


    «Dans le contexte actuel où toutes les institutions de la République fonctionnent normalement, cette entreprise est un déni de l’alternance donc de la démocratie», estime Zakari à IPS. 


    Pour sa part, Morou Amadou, président du Front uni pour la sauvegarde des acquis démocratiques (FUSAD), une organisation de la société civile basée à Niamey, déclare que la démocratie est en danger de mort, et accuse également l’opposition politique d’en être partiellement responsable. 


    «L’opposition a pêché ces quatre dernières années en refusant de s’opposer (au pouvoir), et c’est cette attitude qui a conduit Tandja à croire qu’il fait l’unanimité au point de chercher à assassiner la démocratie aujourd’hui», souligne Amadou à IPS, appelant tous les démocrates à se mobiliser pour faire échec à cette tentative de remise en cause de l’ordre démocratique. 


    «Nous avons, c’est vrai, manqué de vigilance en croyant que Tandja s’en ira à la fin de son deuxième mandat comme il l’a toujours clamé. Mais, nous pensons que ce n’est plus le temps de la critique, il faut d’abord faire la lutte», souligne Dr El Back Adam, un militant du PNDS. 


    L’appel de Amadou a été réitéré par Mahamadou Issoufou, le président du PNDS et chef de file de l’opposition, lors du meeting du 9 mai à la place de la Concertation, qui inaugurait la première Journée anti-Tazartché d’une série qu’il a annoncée quelques jours plutôt. 


    «Avec le Tazartché qui déclare la guerre à la démocratie, nous n’avons d’autre choix que de tirer notre sabre du fourreau», a martelé Issoufou, en direction des manifestants surchauffés. 


    Issoufou a toutefois averti que «la lutte pour la sauvegarde de l’ordre constitutionnel sera certainement longue et âpre, mais elle sera couronnée de succès avec la volonté de Dieu». (FIN/2009) 

    Source:IPS

    « Tanja cherche et trouve!Référendum au Niger: mise en garde du président de la Haute Cour de justice »
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