• La bombe sahélienne amorcée

    Finalement, et comme il fallait s'y attendre, le GSPC, dans un enregistrement sonore de son émir national, Abou Moussab AbdelWadoud, a tué son otage français. "Nous annonçons avoir exécuté l'otage français dénommé Michel Germaneau samedi 24 juillet pour venger nos six frères tués dans la lâche opération de la France", aux côtés des forces mauritaniennes.

    L'enregistrement a été diffusé durant la nuit de dimanche à lundi par la chaîne Al Jazeera. Alors que Paris tentait de gagner du temps en prétendant ne pas avoir de confirmation sur la question, un notable local très impliqué dans toutes les négociations qui avaient précédé chacune des libérations des otages occidentaux se contentait, lui, de confirmer la véracité des dires de Droudkal. Ce n'est qu'hier matin que le président Sarkozy a fini par admettre le fait, à son tour, convoquant au passage une réunion urgente de son conseil restreint de défense et de sécurité.
    Le chef d'Etat français refusera très certainement d'admettre sa responsabilité directe dans ce qui vient de se passer. L'intervention armée directe de troupes françaises au Mali avait de quoi mettre le feu aux poudres. Elle dote, en outre, le GSPC d'une relative " légitimité ", en le rendant " sympathique " aux yeux des tribus locales. Des experts qui suivent de très près ce genre de questions, et qui avaient annoncé sur ces mêmes colonnes depuis le mois de janvier passé que le Sahel était sur une poudrière, craignent fortement une réédition des catastrophiques scénarios irakien et afghan.

    Les scénarios afghan et irakien au Sahel !
    De fait, la présence de troupes françaises sur les lieux, une présence tenue secrète jusqu'à cette scandaleuse et scabreuse intervention musclée, pose avec acuité la problématique de la souveraineté des Etats concernés. Or, c'est cette question qui pousse les " djihadistes " du monde entier à embrasser telle ou telle cause. Le mouvement taliban, ou bien Al Qaïda fi Bilad Errafideyne, se sont grandement renforcés à cause de la présence de troupes occidentales, notamment américaines, en Afghanistan et en Irak. Rien ne pourrait empêcher ce scénario de se répéter au Sahel. Pis, rien ne nous dit, dans l'état actuel des choses, que l'intervention ratée de la France n'était pas préméditée, et qu'elle visait avant tout à mettre le feu aux poudres afin de justifier une invasion massive de tous les pays concernés, dans le cadre de l'activation du complot américain dénommé " Africom ". La vie de l'otage Michel Germaneau ne pèserait pas lourd face à des enjeux stratégiques de cette taille, même si nous en sommes encore au simple stade des supputations. Des supputations qui demeurent quand même très sérieuses et très argumentées, car il est inconcevable que des troupes spéciales françaises, appuyées par des moyens technologiques ultra-sophistiqués, dont des détections satellites agissant aux centimètre près, aient pu faire montre d'autant d'amateurisme. Cela est d'autant plus vrai que le GSPC, qui tente de tirer partie au maximum de cette affaire, indique que les six hommes abattus feraient partie de ses rangs.
    Quand les contrebandiers s'improvisent… terroristes
    Sur ce point précis, nos sources se montrent inflexibles : " Il s'agit bel et bien de contrebandiers. Ces derniers activaient sous la direction d'un certain Mohamed Iblaghe. Celui-ci, versé dans le trafic en tous genres, dispose de relais arrivant jusqu'à la périphérie algéroise, via Tamanrasset et El Goléa ". Ce sont les hommes de ce sinistre personnage qui se trouvent derrière l'enlèvement, en Mauritanie, des trois humanistes espagnols, avant leur revente, ou rétrocession, aux terroristes d'Abou Ammar, de son vrai nom Yahia Djouadi. Deux d'entre eux se trouvent toujours aux mains des terroristes. C'est la preuve formelle, s'il en fallait d'autres, qu'il n'existe plus de terrorisme (dans le sens propre du terme) depuis la capture par des rebelles tchadiens d'Abderrezak El Para, de son vrai nom Amari Saïfi, et la reddition de l'ancien " afghan " Mokhtar Belmokhtar, alias Belaâouar. La jonction entre les quelque dizaines de rescapés des redoutables katibate el moulathamoune et les contrebandiers et trafiquants d'armes a donné naissance à ce que notre journal qualifie de " gangsterrorisme ". Aujourd'hui, à cause du dramatique faux-pas français, très certainement prémédité, il n'est pas exclu que le GSPC renaisse de ses cendres au Sahel, et même qu'il mue un jour en " Al Qaïda ", comme le souhaitent et le soutiennent tous les alliés directs et indirects des Américains. Pour revenir à la thèse selon laquelle le fiasco français a pu être prémédité, signalons que le président Sarkozy n'a pas mis longtemps pour annoncer des " représailles " contre les auteurs de ce crime.
    Tout pour favoriser la naissance d'Al Qaïda et justifier l'Africom
    Or, qui dit " représailles " dit nouveaux raids français au Sahel, et donc regain de sympathie pour le GSPC de la part des tribus locales, jusqu'à ce que sa force nouvelle justifie l'activation du fameux Africom de Bush. En attendant, Kouchner confirme déjà la toute nouvelle, mais très inquiétante, influence française dans la région. Il annonce en effet une tournée dans trois pays du Sahel, la Mauritanie, le Mali et le Niger. Ce ne sera sans doute pas pour y échanger des amabilités, mais bel et bien pour y dicter des " instructions " strictes, et éventuellement envisager un accroissement des troupes spéciales françaises déjà présentes sur les lieux. Le fait même que l'Algérie ait été " zappée " de cette tournée dénote le bras de fer discret qui se déroule en ce moment entre Alger et Paris à propos des meilleurs choix à faire pour lutter efficacement contre le terrorisme et le grand banditisme dans la zone sahélo-saharienne.
    En agissant de la sorte, après avoir mis le feu à la poudrière du Sahel lorsque des pressions avaient été exercées sur Bamako pour l'élargissement de 4 dangereux criminels en contrepartie de la libération de Pierre Camatte, espion français détenu par le GSPC, Paris ne fait rien d'autre qu'enclencher une formidable bombe à retardement dont l'explosion risque de tout emporter et de tout dévaster sur son passage.
    Et si Paris avait volontairement sacrifié son otage

    Du côté algérien, pays qui a toujours été hostile à toute forme d'ingérence étrangère dans la vaste bande sahélo-saharienne pour les raisons largement explicitées plus haut, ce simple silence peut constituer une réprobation suffisante de tous les faux-pas commis par la France, avec la complicité du Mali et de la Mauritanie. Seul le Niger, pour le moment, semble vouloir continuer à privilégier les thèses algériennes en matière de lutte contre le terrorisme et le grand banditisme. Toujours est-il que le fameux commandement unifié, basé à Tamanrasset, de cinq pays régionaux, à savoir l'Algérie, est mis " hors-service " de facto en attendant la suite des évènements. Celui-ci, outre l'Algérie, regroupe également le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Burkina Faso. Le mieux à faire pour l'Algérie, pour le moment, expliquent nos sources, serait de verrouiller très sévèrement nos frontières sud afin qu'aucune fuite possible des terroristes vers notre territoire ne puisse être possible. Parallèlement, il faudrait mettre en demeure les pays influencés par la France de se ressaisir sous peine de perdre l'amitié de ce puissant allié qu'est l'Algérie. Tous les experts réellement au fait des questions et problématiques sahélo-sahariennes soulignent que rien ne peut se faire, et aucune solution viable, ne saurait être envisagée, sans l'Algérie et les tribus touaregs. 
    La Tribune des Lecteurs
    « Les renards du désert Le Niger, le Mali et la Mauritanie ne sont pas recommandables pour voyager »
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