• Interview du Président du CSRD: Salou Djibo, le nouvel homme fort du Niger

    "Nous ne sommes pas venus pour parler… mais pour restaurer la démocratie’’

    Dimanche 28 février. Niamey. Le lourd portail et l’enceinte du Bureau du Médiateur de la République portent toujours, et peut-être pour longtemps, les traces des obus. Idem pour le grand portail du palais présidentiel où veillent des hommes dont le seul regard reflète l’interdiction de filmer ou de stationner dans ces lieux.

    Nous empruntons la ruelle qui mène à la nouvelle résidence du nouvel homme fort du pays. De deux pick-up, stationnés de part et d’autre de la voie, émergent des mitrailleuses 12-7, des hommes veillent au grain au cas où ! Stop ! L’un d’eux nous approche avec cette question aux lèvres :

    - 

    "Vous partez où ? "

    - "Nous avons un rendez-vous avec le chef de l’Etat" avons-nous répondu.

    Cinq minutes après, nous voilà à la résidence de l’homme qui a pris le pouvoir il y a seulement 10 jours. Même rituel. Dans la cour, quelques militaires, une dizaine de personnes en attente d’être reçues en audience, et des artifices du pouvoir. La Mercedes S 600 de Saliou Djibo est garée. Nous attendons encore un quart d’heure. ’’Le Chef’’, nous informe le chargé du protocole, a un agenda très chargé.

    Cinq minutes plus tard, nous voilà dans le salon du nouvel homme fort du pays. Son sourire cache mal sa timidité. Très discret, et nous comprimes tout de suite que nous sommes en face d’un homme qui n’ouvre la bouche que pour dire l’essentiel : ’’Nous ne sommes pas venus pour parler. Nous avons une mission, celle de restaurer la démocratie’’, nous lâche-t-il. Dans cette interview exclusive, le chef d’Escadrons Salou Djibo qui a pris le pouvoir, le 18 février dernier au Niger, nous parle des raisons du coup de force, les grandes orientations de la transition.

    Monsieur le Président, jusqu’à la date du 18 février 2010, vous étiez inconnu de la majorité des Nigériens et au niveau international. Désormais, vous avez en main les destinées de votre pays, le Niger. Qui êtes-vous en réalité Monsieur le Président ?

    Je suis simplement un citoyen nigérien au service de son pays.

    Quelles sont les raisons profondes qui vous ont poussé à faire le coup de force du 18 février dernier ?

    Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans le message que j’ai adressé à la nation nigérienne, notre pays a été plongé dans une grave crise institutionnelle en raison des manipulations et autres violations de la constitution qui ont débouché sur des tensions politiques et sociales porteuses de réels périls pour le pays. Par ailleurs, toutes les tentatives pour trouver un dénouement raisonnable à cette crise ont été vaines. Nous ne pouvions pas demeurer les bras croisés face à cette situation.

    Pourquoi avoir attendu que la Constitution de la Vè République soit modifiée avant d’intervenir Monsieur le Président ?

    Tant que la constitution n’était pas violée et que les Institutions fonctionnaient régulièrement, nous n’avions aucune raison d’intervenir.

    Monsieur le Président, une chose est de prendre le pouvoir, une autre est de savoir ce qu’on en fait. Que comptez- vous en faire désormais ?

    Concernant ce sujet, nous avons déjà dévoilé nos intentions. Il s’agit d’assainir la situation aux plans politique et économique, réconcilier nos compatriotes entre eux et restaurer la démocratie au Niger. Voilà ce que nous comptons faire !

    Certains Nigériens s’inquiètent sur la capacité de la nouvelle équipe à assurer certaines missions régaliennes de l’Etat, notamment le paiement des salaires. Que leur diriez-vous Monsieur le Président ?

    Qu’ils se rassurent ! Le gouvernement sera à la hauteur de la tâche.

    La restauration de la démocratie est en quelque sorte le leitmotiv du CSRD. Comment comptez-vous vous y prendre ? Peut-on s’attendre, par exemple, à ce que vous ressuscitiez la Constitution de la V République ?

    J’ai annoncé la création prochaine d’un Conseil Consultatif, qui regroupera en son sein les forces vives du pays, c’est-à-dire toutes les composantes socio- professionnelles et politiques. C’est ce Conseil Consultatif qui sera chargé d’analyser la situation et de proposer une feuille de route relative au retour à un ordre constitutionnel et démocratique.

    Monsieur le Président, Jerry John Rawlings, Amadou Toumani Touré, Robert Guéï, sont les trois exemples cités, le plus souvent, dans les annales des putschs en Afrique. Parmi les trois, s’il vous était donné de choisir votre modèle, pour qui votre cœur va-t-il balancer ?

    Je préfère garder ce genre d’appréciation pour moi-même

    Quelle sera la durée de la transition, Monsieur le Président ?

    Elle dépendra des tâches à accomplir et du chronogramme qui sera adopté. Je ne peux donc pas vous indiquer une durée quelconque au stade où nous sommes. Attendons de voir les propositions du Conseil Consultatif.

    Qu’est-ce qui justifie le long silence qui a précédé votre première adresse à la nation ? Est-ce parce que vous n’avez pas préparé l’après-coup d’Etat ?

    En la matière, il vaut mieux prendre le temps qu’il faut et éviter la précipitation.

    Monsieur le Président, certains Nigériens pensent que la liste des membres du CSRD est pléthorique. Que leur répondriez-vous ?

    Elle n’est pas pléthorique. Elle reflète simplement la réalité.

    Vous avez nommé Mahamadou Danda, Premier ministre de la Transition. Peut-on savoir ce qui a motivé le choix de l’homme à ces fonctions ?

    Le Premier ministre est un homme de qualité, connu des Nigériens pour son intégrité, sa compétence et son impartialité. De plus, il a une expérience de la gestion des affaires de l’Etat. J’observe qu’à l’annonce de sa nomination, l’opinion nationale s’en est félicitée.

    Quel sort réserverez-vous à l’ancien Président, Mamadou Tanja ?

    Le moment venu, vous en serez informés.

    On a constaté qu’il a été arrêté avec le Premier ministre et plusieurs membres du Gouvernement ? Qu’est-ce qui justifie l’arrestation de ces derniers ?

    D’abord assurer leur propre sécurité et examiner avec eux certains dossiers.

    Un mandat d’arrêt international pèse sur plusieurs leaders de l’opposition. Quel sera le sort des concernés ?

    Parmi les raisons qui ont motivé l’intervention de l’armée, j’ai indiqué les tentatives d’utilisation politique de l’appareil judiciaire, les violations des droits humains et en particulier l’emprisonnement et le harcèlement. Nous recherchons la réconciliation comme je l’ai indiqué. Nous irons vers l’apaisement.

    Plus d’un analyste politique pense que la garantie d’une démocratie véritable réside dans le renouvellement de la classe politique nigérienne. Partagez-vous ce point de vue ?

    Dans un système démocratique, vous ne pouvez pas imposer d’autorité un renouvellement de la de la classe politique. Cela relève de la responsabilité des structures politiques concernées.

    Interview réalisée par Abdoulaye BARRY*
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