• Divergences entre l’Exécutif et le Parlement : Les juges Suprêmes corrigent un Président frustré

    Après deux élections victorieuses, le Président Mamadou Tandja veut s’octroyer un troisième mandat en usant des modifications constitutionnelles. Une manie pouvoiriste que la Cour constitutionnelle du Niger lui refuse, mais qui gangrène d’autres Etats africains dont le Sénégal.

    Par Momar DIENG
    En Afrique, les hommes d’Etat vertueux ne sont pas toujours ceux que l’on pourrait croire en être. Parole du soldat Tandja Mamadou répondant à une question relative à un projet de modification de la Constitution qui lui est prêté : «Je suis à l’aise aujourd’hui pour aborder ce sujet, pouvoir l’expliquer, le dire dans des conditions assez claires et permettre à chacun de comprendre la situation au Niger. Je respecte sérieusement notre Constitution. J’ai grandi dans le règlement militaire, j’ai connu les lois et règlements de mon pays d’abord en tant que soldat, puis j’ai connu ce que c’est que la constitution. J’ai aimé la démocratie (...) Je ne demanderai jamais à un Nigérien pour qu’il m’amène à changer ou chercher des modifications dans notre Constitution. Je ne le ferai jamais (…) Le 22 décembre prochain, c’est la fin de mon mandat, je me retire.» Ces mots, aimables, ne datent pas de Mathusalem ; ils ont été prononcés au cours d’une conférence de presse conjointe le 27 mars 2009, soit deux mois jour pour jour, avec le Président Nicolas Sarkozy alors en visite économique à Niamey. L’évolution rapide de la situation politique actuelle au Niger ces derniers jours laisse plutôt penser que c’est le politicien Mamadou Tandja qui tentait de séduire le président de la République française. La nouveauté n’est pas qu’il ait violé son propre engagement. L’acte à saluer, c’est le courage et l’indépendance affichés par les magistrats de la Cour constitutionnelle du Niger qui, en toute responsabilité, ont donné tort au chef de l’Etat sortant dans toutes ses velléités de rester au pouvoir au-delà de décembre 2009. Ce que la Constitution et la loi ne lui permettent pas. C’est le courage et l’indépendance de cette Cour constitutionnelle qui poussent Tandja Mamadou à montrer son vrai visage : celui d’un assoiffé de pouvoir, comme c’est la règle sur le continent. Faute d’avoir «son» référendum, il a préféré dissoudre le Parlement pour échapper à l’accusation de haute trahison. L’on voit bien que le scénario nigérien (qui peut très vite déboucher sur un chaos) était plausible sur le fertile terreau sénégalais. A condition que notre bizarre Assemblée nationale ne fût pas une entité scandaleuse au service d’un pouvoir exécutif autocratique, et que l’on eût la chance d’avoir des institutions judiciaires à la hauteur de la capacité presqu’infinie de déstructuration du tissu politique de notre pays dont dispose le Président Abdoulaye Wade, outil dont il use et abuse depuis dix ans. Dans ce contexte qu’éclaire heureusement l’expérience nigérienne, il est salutaire que les Assises nationales aient suggéré la mise en place d’une Cour constitutionnelle composée de magistrats inamovibles, «garant(e) de la démocratie et juge de la conformité des lois». Le Niger, reconnaissons-le avec humilité, est en avance sur nous. Par exemple, les dérives wadistes fustigées par les Assises au plan institutionnel sont déjà consacrées dans la Constitution de ce voisin éloigné. Elles sont de deux ordres : «Indiquer clairement les domaines qui ne peuvent pas faire l’objet de révision» et «identifier les domaines de révision soumis obligatoirement au référendum». C’est le seul moyen de prévenir et de contenir la dictature de la majorité mécanique qui sévit contre la démocratie dans notre pays. A l’instar des caricatures justes qui pourfendent une monarchie républicaine dangereuse au Sénégal, il faut en arriver à ce point où il ne pourra plus être permis de laisser un renard en divagation dans un poulailler. Aux côtés de Sarkozy, le Président Mamadou Tandja di-sait encore : «Grandir pour moi est de partir la tête haute.» Aujourd’hui, c’est un homme frustré qui devient déraisonnable, avec le risque de plonger son pays dans des troubles graves. A moins que les lobbies nationaux et étrangers qui gravitent autour de l’uranium lui fassent entendre raison.

    momar@lequotidien.sn

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